Biographie extraite de Biographie Universelle Ancienne et Moderne, tome 10, page 262 – 1852, publié par Michaud et édité par A. Thoisnier Desplaces.
Auteur de la Magie blanche, Decremps était né, comme il le dit lui-même, à Beduer dans le Quercy, le 1er avril 1746. Pendant qu’il achevait ses études au collége de Toulouse, le hasard lui fit tomber entre les mains La Polygraphie de Trithème, où il apprit le moyen de lire les écritures les plus mystérieuses. Ses professeurs, voulant éprouver son savoir, lui remirent différents morceaux qui n’auraient été pour tout autre que d’indéchiffrables hiéroglyphes, et il les lut très facilement, excepté cependant un dans lequel on avait intercalé des signes sans valeur et dont il fallait faire abstraction pour découvrir le sens des mots. Ce premier succès accrut le goût de Decremps pour les sciences occultes, et, dans la suite, il s’y rendit assez habile pour deviner toutes les ruses employées par des charlatans plus ou moins adroits.
A sa sortie du collège, ses parents voulurent l’envoyer à Cahors pour y faire son cours de théologie, mais, ne se sentant aucune vocation pour l’état ecclésiastique, il quitta furtivement la maison paternelle et prit le chemin de Paris, sans trop savoir comment il se tirerait d’embarras au milieu de cette grande ville où il allait se trouver sans appui et presque sans ressource. En attendant que quelque circonstance heureuse le mît à même de profiter de ce qu’il savait, il prit un logement dans un des quartiers les plus obscurs pour ménager sa bourse, et, ne sortant que lorsqu’il y était contraint, il employait toutes ses journées à lire les livres qu’il achetait sur les quais, notant avec soin tout ce qu’il y remarquait de singulier et de curieux. C’est ainsi qu’il parvint à se faire un fonds de connaissances assez superficielles, il est vrai, mais très variées.
Trahi par un ami dans lequel il avait placé sa confiance, il s’éloigna brusquement de Paris et parcourut toute la France « à pied, sans autre monture qu’un gros bâton, et sans autre embarras qu’une écritoire, du papier et une gourde. Le soir, il écrivait ce qu’il avait vu dans la journée et c’est ainsi que se trouvèrent composés la plupart de ses ouvrages » (voir La Science sans-culotisée.). Il eut l’intention de s’arrêter à Lyon pour y donner un cours de littérature, mais n’ayant pu trouver d’élèves, il poursuivit sa route, visita l’Allemagne et les Pays-Bas, s’embarqua pour l’Angleterre et vint à Londres où il enseigna l’astronomie. Obligé d’apprendre l’anglais, il le parla bientôt facilement. Il étudia aussi la navigation et fit plusieurs voyages sur mer dans le but de perfectionner ses connaissances géographiques. Il était de retour à Paris en 1783.
L’année suivante, il y publia La Magie blanche dévoilée. Cet ouvrage, dans lequel il donna l’explication de toutes les expériences de Pinetti, prétendu physicien mais escamoteur fort habile, obtint un très grand succès. Les journaux les plus accrédités, entre autre l’Année littéraire, en rendirent un compte avantageux. Il fut traduit en anglais et réimprimé dès l’année suivante tant en France qu’à Bruxelles. A cet ouvrage, Decremps en fit succéder plusieurs autres dont on trouvera les titres à la fin de cet article. Il y dévoile tous les tours de cartes, de gobelets et de gibecières qui faisaient alors l’amusement des sociétés les plus distinguées.
Mais tout en s’annonçant comme l’ennemi des charlatans, Decremps l’était bien un peu lui-même. C’est ainsi, par exemple, qu’après avoir, dans la Magie blanche, décrit un tour extraordinaire, il en renvoie l’explication à un autre moment. Et pour avoir cette explication, il fallait acheter un autre livre de 8 pages qui revenait aussi cher que le volume même, trouvant ainsi le moyen de vendre son ouvrage le double de ce qu’il l’annonçait. Il cherche dans son Supplément à la Magie blanche, p. 261, à pallier cette turpitude en la rejetant sur sa pauvreté qui était très grande en effet, s’il est vrai qu’il pût dire avec Bias : Omnia mecum porto.
Comme le bénéfice qu’il faisait sur la vente de ses livres ne suffisait pas à ses besoins, Decremps prit le parti de retourner à Londres et il y ouvrit, pour l’enseignement de la langue française, une école qu’il eut le plaisir de voir fréquentée par un grand nombre d’élèves. Mais son imprudence ne lui permit pas de mettre à profit cette circonstance favorable pour s’assurer une existence indépendante. Dénoncé pour avoir chanté la Marseillaise dans une taverne et tenu des propos plus qu’indiscrets, il reçut l’ordre de quitter Londres et revint à Paris en 1793. Partisan de la révolution, mais ennemi des excès, on ne le vit point figurer à cette déplorable époque dans les clubs ni dans les assemblées tumultueuses des sections. Il ne servit la cause qu’il avait embrassée qu’en cherchant les moyens d’éclairer le peuple, ou comme il le dit lui-même dans le langage du temps, de sans-culotiser la science.
Planches de La Magie blanche dévoilée.
En 1794, il publia le prospectus d’un cours d’astronomie pour les ouvriers, en dix leçons ou numéros, mais il ne put jamais réunir assez de souscripteurs pour couvrir les frais d’impression. Il donnait à cette époque chez lui des leçons de géographie, d’astronomie, de navigation et de langue anglaise. Craignant qu’on ne lui reprochât de rester à Paris occupé de choses si frivoles tandis que tous les bons citoyens étaient à la frontière, il s’excusait sur l’obligation de subvenir par son travail aux besoins de sa femme et de son enfant au berceau. Ainsi Decremps, alors âgé de prés de 50 ans, était récemment marié. « Tout ce que je puis, dit-il, c’est de faire en personne mon service dans la garde nationale. » Tombé depuis dans l’obscurité la plus complète, malgré ses tentatives pour en sortir, il est mort octogénaire vers 1826.
Extrait de la revue L’Illusionniste, N°20 d’août 1903
Decremps n’était (pas prestidigitateur, mais il mérite une place dans notre galerie à cause des ouvrages qu’il a publiés sur la prestidigitation qui s’appelait alors La Magie Blanche ou La Sorcellerie Amusante.
Ayant assisté aux séances de Pinetti, comme il était doué d’un esprit perspicace, il dit avoir deviné le secret de toutes les expériences du physicien. A la suite d’un défi que lui adressa celui-ci il publia en 1783, la Magie Blanche dévoilée, ou explication des tours surprenants qui font peu, l’admiration de la capitale et de la province. Cette oeuvre eut un immense succès, elle fut traduite en plusieurs langues et des libraires peu scrupuleux en firent paraître de nombreuses contrefaçons, elle mérita à M. Decremps, son auteur, une place fort honorable parmi les hommes de lettre. (Voyez le Dictionnaire Historique de Ménard et de Senne).
Voici comment Pinetti se vengea de la publication de cet ouvrage : dans une de ses séances, il se plaignit qu’un ignorant, un imposteur, prétendait, dans la seule intention de lui nuire, dévoiler des secrets au dessus de son intelligence. A ces mots un homme mal vêtu et de mauvaise mine se lève du milieu de l’assistance, il déclare être Decremps, apostrophe Pinetti, en termes grossiers et offre de prouver que les explications qu’il a données sont exactes. Le public mécontent de voir troubler une séance où il s’amuse hue le pauvre diable et il allait, peut-être lui faire un mauvais parti, lorsque Pinetti s’interpose et met doucement l’homme à la porte en lui glissant dans la main, quelques écus. Cet homme, nous dit Robert-Houdin, était un compère.
Decremps riposta par la publication, coup sur coup, de quatre autres volumes : Supplément à la Magie Blanche, Testament de Jérôme Sharp, Codicille de Jérôme Sharp et Petites aventures de Jérôme Sharp, qui, comme le précédent, furent l’objet d’un accueil empressé ; le dernier fut imprimé en 1789.
Le coup fut terrible pour Pinetti ; a partir de ce moment, le succès l’abandonna. Il se dirigea vers l’Angleterre, puis en Russie ; là une longue éternelle maladie épuisa sa santé ainsi que les faibles ressources qu’il s’était ménagées. Réduit à la plus affreuse misère, il mourut dans le village de Bartitchoff, en Volhynie chez un seigneur, amateur de magie, qui l’avait recueilli par compassion. Notre ami Houdini, qui est en ce moment dans ces parages, doit nous envoyer la photographie de sa tombe, si toutefois il parvient à la découvrir.
Decremps n’était que licencié en droit au moment où il écrivait sa Magie Blanche ; mais il fut depuis attaché à l’ambassade de France près la cour d’Angleterre, en qualité de secrétaire-interprète. Il était non seulement remarquable par son érudition, mais plein d’aménité et de délicatesse, réunissant enfin toutes les qualités qui font le parfait honnête homme.
Le Testament de Jérôme Sharp est surtout remarquable par la manière dont sont décrits les principes et les moyens qui servent à l’exécution des tours de cartes. On y trouve toute la clarté et la précision possibles, pour faire comprendre des mouvements de mains qui sont très difficiles à exprimer par la parole. Nous nous servons encore aujourd’hui de ces principes avec ceux dont la découverte est récente.
Planches de La Magie blanche dévoilée.
Les trois autres volumes qui font suite à La Magie Blanche dévoilée n’offrent plus rien de curieux relativement aux tours ; il y en a cependant ça et là quelques-uns, mais on lira ces volumes avec plaisir, parce qu’ils contiennent une foule de petites anecdotes spirituellement écrites, ayant trait à la sorcellerie, ainsi que d’ingénieux problèmes qui piquent la curiosité, même de ceux qui sont le moins amateurs de tours. Tout ce que l’on pourrait reprocher à l’auteur, c’est d’avoir bardé ses ouvrages de citations latines plus ou moins longues ; il a un peu trop prouvé que la langue des savants ne lui était pas étrangère.
Decremps, le premier écrivain « magique » français par Robelly. Extrait de la revue Le Magicien n°105 (octobre 1967).
Henri Decremps, né à Beduer-en-Quercy (Lot), le 15 avril 1746, décédé en 1826. Fils de Maître Jean Decremps, notaire et de Marie Taillade, son épouse. Baptisé le 17 avril 1748. Malgré de nombreuses recherches, il ne nous a pas été possible de connaître le lieu et la date exacte de son décès.
Decremps n’était ni escamoteur, ni physicien, comme on disait à l’époque, néanmoins, il publia sur la Magie Blanche ou la Sorcellerie Amusante plusieurs ouvrages qui contribuèrent à dissiper le goût des prestiges mis en vogue par Cagliostro et Mesmer. Juriste et mathématicien, il était licencié en droit lorsqu’il écrivit Magie Blanche. Depuis, il fut attaché à l’Ambassade de France près de la Cour d’Angleterre, en qualité de secrétaire interprète. Il était non seulement remarquable par son érudition, mais aussi rempli d’aménité et de délicatesse.
Planches de La Magie blanche dévoilée.
Ayant assisté aux séances du célèbre Pinetti, il se vanta d’avoir deviné le secret de toutes ses expériences. Pinetti lui ayant lancé un défi, il publia en 1783 La Magie Blanche dévoilée ou explication des tours surprenants qui font depuis peu l’admiration de la Capitale et de la Province. Avec des réflexions sur la Baguette Divinatoire, les Automates joueurs d’Echecs, etc., etc.
Son succès fut si grand, que cet ouvrage fut traduit en plusieurs langues et des librairies ou éditeurs peu scrupuleux en firent paraître de nombreuses contrefaçons. Il mérita à son auteur une place fort honorable parmi les hommes de lettres (voir le Dictionnaire Historique de Ménard et de Senne).
L’Illusionniste n°20 (août 1903), nous raconte, d’après Robert-Houdin comment Pinetti se vengea de la publication de cet ouvrage. Decremps riposta par la publication, coup sur coup de quatre autres volumes : 2e vol. Supplément à la Magie Blanche dévoilée, Contenant l’explication de plusieurs Tours nouveaux, joués depuis peu à Londres. Avec des éclaircissements sur les artifices de joueurs de profession, les Cadrans sympathiques, le Mouvement perpétuel, les Chevaux savans, les Poupées parlantes, les Automates dansans, les Ventriloques, les Sabots élastiques, etc., etc.
Cet ouvrage se termine par : APPROBATION. J’ai lu, par ordre de Monseigneur le Garde des Sceaux, un Manuscrit, ayant pour titre : Supplément à la Magie Blanche dévoilée, & je n’y ai rien trouvé qui puisse en empêcher l’impression. A Versailles, le 15 février 1785. MONTUCLA, Censeur-Royal.
3e vol. Testament de Jérome Sharp, prof. de physique amusante ; où l’on trouve, parmi plusieurs Tours de subtilité, qu’on peut exécuter sans aucune dépense, des préceptes & des exemples sur l’Art de faire des Chansons impromptu ; Pour servir de complément à La Magie Blanche dévoilée ; Par M. Decremps, du Musée de Paris.
L’APPROBATION figurant à la dernière page se termine par : Au vieux Louvre, ce 10 janvier 1786. MAUDUIT.
Codicille de Jérome Sharp, professeur de physique amusante, pour servir de troisième suite à La magie blanche dévoilée par M. Decremps 1793.
4e vol. dans lequel figure le cliché reproduit plus haut, a pour titre : CODICILE DE JEROME SHARP, Professeur de Physique amusante ; Où l’on trouve, parmi plusieurs Tours dont il n’est point parlé dans son Testament, diverses Récréations relatives Sciences & Beaux-Arts.
Au début de ce livre, après l’ « APPROBATION » :
A Versailles, le 4 Novembre 1787, signée de MONTUCLA. Censeur-Royal, et après la « Permission du Sceau », on lit ceci :
Je soussigné H. DECREMPS, reconnois avoir cédé & transporté à Madame L’ESCLAPART, Libraire de MONSIEUR, frère du Roi, le présent privilège pour le Codicile de Jérome Sharp seulement, pour en jouir par elle, ses hoirs ou ayant cause, me réservant mes droits & mon privilège sur le premier volume de la Magie Blanche, le Supplément & le Testament de Jérome Sharp, suivant le Traité fait entre nous. A Paris, ce 3 décembre 1787.
5e vol. Les petites aventures de Jérome Sharp. Ouvrage contenant autant de tours ingénieux que de leçons utiles, avec quelques petits portraits à la manière noire. 1789.
Signalons aussi : La Science sans culotte. Paris 1794.
Bibliographie :
– Le Parisien à Londres, ou Avis aux Français qui vont en Angleterre, (1784).
– La Magie blanche dévoilée, (Paris, 1784, 2° édition, 1788).
– Supplément à la Magie blanche dévoilée, ibid. (1785 ; 2e édition, 1788).
– Testament de Jérôme Sharp, professeur de physique amusante, ibid (1786. 3ème édition, 1788).
– Codicille de Jérôme Sharp, (1788).
– Les petites aventures de Jérôme Sharp, (Bruxelles et Liège, 1798).
– La science sans-culotisée, (Paris, 1794).
– Diagrammes chimiques, (Paris, 1822).
– Lettre à M. de Jouy sur un article satirique de la Biographie des Contemporains et sur les inconvénients d’écrire l’histoire contemporaine sans la savoir, (Paris, 1824).
A lire :
– Magie blanche et amusements physiques (Réédition Joker Deluxe, 1998).
Crédits photos – Documents – Copyrights : S. Bazou. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.