Il se joue, depuis quelques jours en France, une comédie qui touche à sa fin, et en Italie un opéra-bouffe qui ne fait que commencer. Le neveu de la Colonne est proclamé président de la République française ; les tourneurs de la capitale confectionnent par milliers des aigles de bois et le petit caporal sue à grosses gouttes dans sa demeure aux Invalides. On dit que le héros de Strasbourg et de Boulogne a l’intention d’escamoter la République française et de se draper dans un manteau impérial. L’ancien ferblantier de S. M. Louis-Philippe vient à cet effet de confectionner une magnifique paire de gobelets. Français, garde à vous ! garde à nous ! Les tréteaux sont préparés ; le neveu de son oncle tient la muscade entre ses mains ; attention ! Le jongleur prend la parole :
« Messieurs et mesdames, appelé, par le vote populaire à vous donner un spectacle des plus curieux, j’étale à vos yeux de petites muscades. La première s’appelle passe, pstt disparue, je l’envoie à Rome ; la seconde, contrepasse, pstt ni vu ni connu, je l’envoie à Gènes, et la troisième, trépasse, je la prends délicatement entre le pouce et l’index et je l’avale, pstt ! Allez donc… Admirez, messieurs, la prestesse avec laquelle j’ai escamoté ces petites impertinentes que les hommes de février avaient confectionnées pour vous empoisonner. »
Ce disant, le grand homme saisit la baguette magique dont il frappe violemment la table sur laquelle il opère. Suit une effrayante catastrophe qui brise en éclats le piédestal sur lequel il s’était placé, et au milieu des éclairs et des tonnerres, on le revoit apparaître avec des bottes à revers, un petit chapeau, une redingote grise, un grand cordon qui lui entoure le cou et une couronne de feuilles de chêne sur la tête.
Cette étonnante vision apparaît entourée d’une lueur resplendissante sur laquelle se détachent les mots : Vive l’empereur, lorsque tout-à-coup, au milieu d’un craquement général, un coup de feu se fait entendre, et tout disparaît dans la fumée. Le lendemain, sur le lieu du spectacle, les curieux retrouvèrent la table de l’escamoteur, les gobelets et une des muscades sur laquelle était écrit : « RÉPUBLIQUE FRANÇAISE »
Note :
Il est question de Charles Louis Napoléon Bonaparte, dit Louis-Napoléon Bonaparte puis Napoléon III, né à Paris le 20 avril 1808 et mort à Chislehurst au Royaume-Uni, le 9 janvier 1873. Il est le premier président de la République française, élu le 10 décembre 1848 au suffrage universel masculin, avant d’être proclamé empereur des Français le 2 décembre 1852 sous le nom de Napoléon III.
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