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Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes 

Vingt-deuxième édition (Charleville-Mézières, du 16 au 24 septembre 2023)

Philippe DU VIGNAL

Pendant dix jours, Charleville-Mézières est la capitale mondiale de la marionnette. Première édition en 1961, à l’initiative de Jacques Félix (1923-2006). Fondateur de la compagnie des Petits comédiens de chiffon, il créa ensuite l’Institut International de la Marionnette (1981) et six ans plus tard, l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette. Grâce à la complémentarité évidente des activités du festival, de l’Institut et de l’ESNAM., il n’y aura plus, sous la direction de Pierre-Yves Charlois, qu’une seule et même structure en 2025.

Cet art, non réservé aux enfants comme on l’a longtemps cru, est destiné à tous les publics. Largement reconnu aujourd’hui, il bénéficie enfin depuis 2021, d’un label attribué par le ministère de la Culture à six Centres Nationaux de la Marionnette : Espace Jéliote, Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), L’Hectare-Territoires vendômois, Vendôme (Loir-et-Cher), Le Mouffetard-Théâtre des arts de la marionnette, Paris (Vème), Le Théâtre à la Coque, Hennebont (Morbihan), Le Théâtre de Laval (Mayenne) et Le Sablier /Ifs, Dives-sur-Mer (Calvados).

Pour cette vingt-deuxième édition, le festival accueille, avec l’aide de plus de cinq cents bénévoles très motivés, quatre-vingt-six équipes de vingt-cinq nationalités avec quatre cent-quarante-six représentations pour petits et pour grands. Avec un focus sur la Corée du Sud et un hommage à l’Académie de théâtre de marionnettes de Kharkiv (Ukraine). L’esprit festif a investi la ville, et les réjouissances s’éclatent sur vingt-huit scènes : de la Place Ducale construite en pierre de taille ocre, brique rouge et ardoise bleue dans le plus pur baroque italien XVIIe siècle, aux salles du bord de Meuse ; de la Macérienne, une ancienne usine de cycles aux gymnases du lycée. Et jusqu’à Nouzonville, la banlieue industrielle… Il faut s’équiper de bonnes chaussures pour arpenter les rues animées de Charleville, mais quelques navettes assurent aussi le transbordement de nombreux spectateurs friands de découvertes.

Tout le monde est là de Simon Delattre (Photo : Simon Gosselin)
Re-member du Pupenntheater (Photo : V. Kuehne)

Cela débute en beauté avec des spectacles rodés comme La (Nouvelle) Ronde de Johanny Bert ou Robot, l’amour éternel de Kaori Ito. Et aussi avec nombre de premières mondiales. Notre coup de cœur : Une Maison de Poupée de la norvégienne Yngvild Aspeli et le très remarqué Tout le monde est là de Simon Delattre programmé à Pantin par le Théâtre Mouffetard. D’autres compagnies nous ont invité à découvrir des pièces fraîchement sorties de leurs cartons. Le Pupenntheater de Magdeburg a ainsi présenté Re-member, né de la rencontre de Julika Mayer et Élise Vigneron, metteuses en scènes et marionnettistes, avec les interprètes du théâtre de marionnettes historique de Magdeburg. Mais ce spectacle est mal ficelé et décevant malgré une charmante chorégraphie avec d’émouvantes poupées à fils venues de plusieurs musées d’Allemagne et la manipulation de matériaux naturels : branchages, écorces… Et les textes approximatifs et un fil rouge confus rendent le projet illisible !

Still Life / Nature morte mis en scène par Violaine Fimbel (Compagnie Yôkaï)

D’une mer de nuages, émerge un décor gothique avec plantes vénéneuses, globe terrestre ancien, peau de loup, cheminée d’où sortent des ronds de fumée… Sur les murs, des natures mortes représentant des animaux. Dans ce mystérieux cabinet de curiosités, un homme en long manteau (Quentin Cabocel) manipule flacons et objets, tel un alchimiste. D’une valise, il extrait une tortue qu’il confie à une main squelettique… Bientôt la végétation bouge et une tortue géante dont la carapace clignote, marche dans le brouillard. L’homme essaye de combattre ces ombres inquiétantes qui finiront par l’engloutir dans leur devenir végétal et animal.  La nature morte prend vit sous nos yeux émerveillés dans une débauche d’effets spéciaux, en particulier, une brume transformée en sculptures vaporeuses, à la manière de l’artiste japonaise Fujiko Nakaya.

Still Life (Photo : Kristin Aafløy Opdan)

Un bestiaire fantastique avec oiseaux de nuit, loup… investit alors le plateau. Images saisissantes d’un voyage fantasmagorique, inspiré d’À rebours, un roman de Joris-Karl Huysmans (1884). Des Esseintes, son héros a fait inscrire au-dessus de la cheminée : « Any Where Out Of The World » (N’importe où, hors du monde), titre du Petit Poème en prose XLVIII de Charles Baudelaire. Ce dandy fuit son siècle pour se réfugier parmi les chimères d’un monde créé à sa fantaisie. « Des Esseintes rassemble chez lui quelques œuvres suggestives le jetant dans un monde inconnu », écrit l’auteur belge. Il s’entoure d’un musée imaginaire et cultive un improbable jardin de fleurs si monstrueuses qu’elles ressemblent à des fleurs artificielles. »

Le spectacle colle d’abord un peu trop au roman et peine à trouver son rythme mais finit par décoller et nous emmener loin : « Hors du monde ». (…) « Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme. » écrivait Charles Baudelaire à la fin de son poème. « Enfin, mon âme fait explosion, et sagement, elle me crie : « N’importe où ! n’importe où ! Pourvu que ce soit hors de ce monde ! » Faut-il y lire une critique de notre temps ? Mais ici, les images priment.

Still Life (Photo : Vallas)

Saluons la musique psychédélique d’Uriel Barthelemi et la réalisation des créatures par Nicolas Herlin, Milan Jiancic, Marjan Kunaver. Et les complices derrière le décor : Manon Choserot, Cand Picaud et Nicolas Poix. Il faudra suivre le travail de Violaine Fimbel. À sa sortie de l’ESNAM, en 2014, elle créa la compagnie Yokai (monstre : en japonais) avec un premier spectacle Volatiles très remarqué et qui a été joué notamment en Finlande, Allemagne, Brésil, Japon et en Avignon. Elle explore des formes fantastiques et puise dans les arts visuels et la littérature.

Les Lettres de mon père de et par Agnès Limbos (Compagnie Gare Centrale)

« J’ai huit ans », dit la comédienne en préambule. Une poupée à son effigie l’attend sur un grand fauteuil rouge, celui de son enfance. Elle la rejoindra bientôt pour nous conter son histoire. Nous sommes en 1960 et la petite Agnès vit alors au rythme des lettres de ses parents restés au Congo peu avant et après l’indépendance et qui ont envoyé leurs cinq enfants en Belgique à leur oncle Pierre, curé d’un petit village du Brabant. « À chaque arrivée d’une lettre, raconte-t-elle, notre oncle, cérémonieusement, nous en fait la lecture. » Agnès Limbos en a rassemblé quarante-six et nous ouvre ses souvenirs de famille : « La femme de soixante-dix ans que je suis, désire maintenant entrer en dialogue avec la fillette d’alors. »

Les Lettres de mon père (photo © : Hervé Dapremont)

Sur de petites tables à roulettes poussées par un complice, elle plante de mini- décors et des personnages : le village belge, le mouton dans un enclos, ses frères perchés dans les arbres, la maison de l’oncle Pierre avec ses grandes fenêtres et son horloge, le réfectoire du pensionnat religieux où une statue de la Vierge Marie distribue la nourriture et la bonne parole aux élèves, le dortoir avec un crucifix géant qui monte au ciel. Bondieuseries dont Agnès Limbos se moque gentiment comme des bons sentiments distillés dans les missives souvent conclues par des : « Soyez sages », « Priez pour la paix dans le monde », « Priez pour les Congolais » et par des formules lapidaires : « Votre papa qui vous aime », « Bons baisers ». Cela fait sourire mais renseigne sur la mentalité de l’époque.

Avec une naïveté enfantine, Agnès Limbos nous replonge dans le contexte historique. Et en nous faisant entendre ces lettres, elle met le doigt sur l’esprit missionnaire de son père mais aussi sur le paternalisme et le racisme de son entourage dont elle ne savait rien. Elle revit en dialogue avec sa poupée, ses peurs et interrogations de petite fille et elle fait surgir inopinément dans ses maquettes, un crocodile mangeur d’enfants comme celui que son père lui décrit… On retrouve ici le chagrin d’être loin de ses parents et de la vie d’avant.

En écho à ces lettres, le spectacle évoque des épisodes historiques avec des images entre autres celles de mains coupées de Congolais et des documents sonores : le mariage du roi Beaudoin, Patrice Lumumba proclamant l’indépendance… Et la visite du colonel Mobutu à l’École de cadres que dirige le père d’Agnès Limbos, ou les troupes de l’O.N.U. face à des manifestants violents. Une mini-statue du roi Léopold, démembrée par l’actrice, proteste : « Arrêtez de me déboulonner. »

Peu importe si nos connaissances historiques sur le Congo belge sont défaillantes, ce spectacle émeut par sa sincérité. Il n’a pas encore trouvé son rythme dans les dialogues avec la marionnette et la fin est un peu déconcertante : la disparition de la narratrice dans le gros fauteuil rouge truqué aurait suffi. Mais la distance amusée et la poésie des objets manipulés, comme la justesse des documents en contrepoint des lettres, nous ont séduit…

Article de Mireille Davidovici. Source : Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Simon Gosselin, V. Kuehne, Kristin Aafløy Opdan, Vallas, Hervé Dapremont. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.

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