Auteur : Mathieu Bertholet (ed. Actes Sud). Mise en scène : Cécile Givernet, Vincent Munsch. Interprètes : Brice Coupey, Cécile Givernet, Honorine Lefetz, Blue Montagne. Scénographie : Jane Joyet. Construction marionnettes : Amélie Madeline. Construction décor : ESAT Plaisir, Vincent Munsch, Corentin Praud, Jane Joyet. Costumes : Séverine Thiébault. Création lumière : Corentin Praud. Univers sonore : Vincent Munsch.
Clara Immerwahr, première docteure de l’Université de Breslau à la fin du XIXe siècle, avait juré que la science devait servir au progrès de l’Humanité et a eu en horreur l’ambition de son mari. Sous le bruit des bombes à Berlin, elle se tuera d’un coup de revolver, un soir du printemps 1915, quelques jours après la première attaque allemande au gaz moutarde à Ypres (Belgique) : 15 000 hommes avaient été intoxiqués et plus d’un millier avait perdu la vie ! Une opération supervisée par son mari Fritz Haber (1868-1934) qui avait travaillé à la mise au point d’armes chimiques et à l’emploi du chlore comme gaz de combat, une invention spectaculaire chez Farben, le consortium allemand déjà gigantesque de chimie. Il recevra le prix Nobel de chimie 1918 « pour la synthèse de l’ammoniac à partir de ses éléments », indispensable à la fabrication des engrais et explosifs. En 1933, Adolf Hitler fait écarter les Juifs de la fonction publique. Fritz Haber s’exile en Suisse et meurt d’une crise cardiaque l’année suivante. Ce chimiste dont la célébrité grandissait, avait toujours maintenu Clara « dans son métier de femme » : cuisine et enfant et il lui interdisait toute participation à ses recherches. Ce qu’avance Mathieu Bertholet, l’auteur suisse de Farben, une pièce qui avait été montée il y a deux ans par Véronique Bellegarde et reprise au Théâtre de la Tempête.
Cette adaptation mêle théâtre et marionnettes que les comédiens, vêtus de noir manipulent. Et ils jouent aussi à vue. Certains personnages, seulement représentés par leur tête, sont animés à bout de bras et un gigantesque pantin intervient, représentant l’autorité. Les acteurs jouent sur des espaces délimités par la lumière puis sur un petit praticable où évoluent les marionnettes. Une représentation à plusieurs dimensions, entre réalisme et onirisme, en recourant aussi aux ombres chinoises. Les dates, comme autant de chapitres de cette histoire, s’inscrivent sur un écran, selon les didascalies. Farben est un excellent spectacle de marionnettes en quatre-vingt-dix minutes. Les changements de décor et accessoires se font à vue : les metteurs en scène ont voulu montrer jusqu’aux coulisses, avec lumières et ombres, chant et bande-son. Jane Joyet a créé un intelligent espace scénographique, éclairé par Corentin Praud et soutenu par l’univers sonore omniprésent de Kostia Cavalié et Vincent Munsch.
Honorine Lefetz est une Clara toute en fermeté. Soutenue par Brice Coupet qui manipule la marionnette de Fritz. La mezzo-soprano Blue Montagne illustre l’action a capella avec des chansons (notamment celles à boire allemandes) et manipule les têtes avec Cécile Givernet qui a fondé en 2016 avec Vincent Munsch, la compagnie Espace Blanc, pour réaliser des spectacles recourant à la marionnette, aux ombres et au théâtre. Ils traitent aussi l’univers sonore comme un langage scénique à part entière et privilégient les auteurs contemporains. Ils ont ainsi monté les textes de Luc Tartar, Stéphane Bientz, Laurent Rivelaygue… Et, depuis trois ans, ils dirigent le Théâtre-Halle Roublot à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), consacré à l’art de la marionnette. Un lieu partagé avec Le Comptoir, scène de création musicale et La Nef, un espace d’exposition.
À voir :
Article de Jean-Louis Verdier. Source : Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Simon Gosselin – Théâtre Halle Roublot / Cie Espace Blanc. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.