Auteurs : Léo Brière, Maxime Schucht et Sylvain Vip. Metteur en scène : Kevin Muller. Musique : Julien Auclair.
Mentalisme : Jean-Eugène Robert-Houdin (1805-1871), père de la magie moderne, a inventé de nombreux tours fondés sur la force mentale ou du moins son apparence, avec souvent une aptitude exceptionnelle à deviner les choses les plus intimes des spectateurs. Et quand nous étions enfants, Myr et Myroska, vedettes internationales du music-hall, nous fascinaient. Lui écrivait âge, prénom, numéro de carte d’identité d’un spectateur. Elle, les yeux bandés, les disait avec exactitude par une soi-disant transmission de pensée. Sans doute, un système de code ultrasophistiqué.
Léo Brière, trente ans, a été, lui, champion de France de magie en 2019, puis a reçu le Mandrake d’or en 2021. Il fut d’abord à dix-neuf ans le plus jeune Monsieur Loyal, notamment chez Pinder. En 2014, il fonde son cirque où il se produit avec ses grandes illusions.Et 2020, il crée L’Expérience interdite : il arrivait à deviner le prénom ou le métier d’un inconnu, ou le contenu du portefeuille d’un spectateur…
En 2023, il monte Existences avec des tours impressionnants : il va dire un nom de vedette choisi par une spectatrice – ce soir-là, Michael Jackson dont le nom se trouve (miraculeusement !) dans une grande enveloppe suspendue donc sans aucun moyen d’y accéder – un numéro classique fondé sur un excellent trucage… Il fait aussi raconter un événement marquant par une femme et un homme invité à monter sur scène qui lui raconte, comment gamin, il est arrivé à rouler en vélo pour la première fois. Et ce micro-événement est évoqué (du moins le mot « vélo ») dans la page choisie d’un livre sélectionné dans une bibliothèque. Là aussi classique, mais brillant… Il y a également des spectateurs qu’il appelle, après avoir juste cité leur prénom. Truqué là aussi et gros comme une maison mais cela fonctionne. Puis Léo Brière demande à une spectatrice de lui prêter un billet de dix euros, et il donne de grandes cartes numérotées à deux chiffres à cinq spectateurs qui seront invités à venir sur scène. Puis il donne quelques indications et demande de trouver ce numéro avec la calculette sur les smartphones. Le numéro du billet s’affiche alors sur scène et sur les smartphones ! Sans doute là aussi un excellent numéro qui clôt cette représentation, grâce à une imparable formule mathématique. Auparavant, il a fait vérifier qu’il n’a pas d’oreillette et précise que le mentalisme est surtout fondé sur la suggestion, la psychologie avec une grande attention au ton, et au langage corporel, la programmation linguistique, les maths, une peu d’hypnose mais aussi sur une mémoire très exercée. Mais, à aucun moment, il ne parle jamais de trucs ni de ses indispensables assistants… Ni tout aussi indispensables, des fumigènes à gogo.
La mise en scène – souvent assez bling-bling – rappelle celle des grands spectacles à l’américaine : fumigènes, lumières tournantes sur le plateau et éblouissantes sur le public, gros plans en vidéo de l’artiste et du public, nombreux appels à des spectateurs à venir le rejoindre sur scène avec, à chaque fois : « on l’applaudit bien fort », décors vidéo souvent très réussis comme ces rayonnages de livres aussi « vrais », que le seul, bien réel. Il enveloppe habilement le tout, en racontant parfois sa vie, avec une diction et une gestuelle irréprochable.
Un spectacle « populaire » auquel assistent de nombreux enfants et qui n’a rien à voir, bien sûr, avec le théâtre, même si nombre de techniques lui ont été empruntées depuis des siècles. Ce solo – pour nous, le quatrième de la semaine ! – est interprété par un remarquable magicien qui a une grande maîtrise technique et une présence indéniable. C’est un peu cher, mais cela vaut le coup. Et ces tours de « magie » nous offrent aussi l’occasion de réfléchir sur la nature même de la réalité et sur la perception que nous avons, des choses les plus proches, la psychologie des masses, la suggestion à laquelle nous sommes tous sensibles, le travail qu’on peut réaliser sur nos certitudes, voire notre subconscient. Cela peut aussi faire froid dans le dos… Mais, comme le disaient Myr et Myroska, à la fin de leur spectacle : « S’il n’y a pas de truc, c’est formidable, mais s’il y en a un, reconnaissez que c’est encore plus fort. »
Source : Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : © Guillaume Ombreux / Thomas O’Brien. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.