Ercole Amante (Hercule amoureux) de Francesco Cavalli. Mise en scène : Valérie Lesort et Christian Hecq. Direction d’orchestre : Raphaël Pichon. Spectacle en italien, surtitré en français et en anglais).
Créé à Paris en 1662 au Palais des Tuileries, cet opéra-ballet est rarement représenté. « Raphaël Pichon est à l’origine de cette rencontre, dit Valérie Lesort. Il l’écoutait quand il était petit et voue une véritable passion à cette musique qu’il a fini par nous transmettre.» Avec enthousiasme, il dirige ici le chœur et l’orchestre de l’ensemble Pygmalion qui interprète la partition sur des instruments d’époque. Les voix des chanteurs, très justes, en particulier le baryton Nahuel di Pierro (Ercole), la soprano Anna Bonitatibus (Giunone) et la mezzo-soprano Giuseppina Bridelli (Deianira) remplissent de bonheur les amateurs d’opéra.
Le Vénitien Francesco Cavalli fait alterner récitatifs, grands airs, duos, trios et chœurs dans cet opéra créé sans le ballet que Lully ajouta ensuite pour le « Roi danseur » qu’était Louis XIV. Ercole Amante est le cadeau de noces offert par le cardinal Mazarin au Roi qui s’unit à Saint-Jean de Luz avec l’Infante d’Espagne pour consolider la paix entre leurs deux pays. Un hommage explicite dès le prologue : « Le roi des Français, sous vos yeux, aujourd’hui chausse les costumes d’Hercule amoureux ». L’œuvre, représentée à l’époque avec une machinerie sophistiquée, est compliquée à monter. Pour Valérie Lesort qui cosigne la mise en scène avec Christian Hecq : « Les nombreux effets et décors mentionnés dans le livret ont généré quelques difficultés. Nous aimons, tout en essayant de la rendre plus claire et accessible pour le public, respecter la genèse d’une œuvre. Et s’il est écrit que les personnages arrivent dans des machines extraordinaires ou si le décor change cinq fois par acte, nous tentons de nous y tenir. Dans la limite du temps de répétition et du budget qui nous est imparti bien sûr ! »
Pari réussi. Laurent Peduzzi a conçu une scénographie minimaliste appropriée à ces changements de décor constants au cours des cinq actes, avec un amphithéâtre ouvert sur le public et de très riches costumes et accessoires. Tous les artifices du théâtre sont ici utilisés, comme de nombreux envols, une des principales attractions de l’opéra au XVII ème siècle et des trappes qui s’ouvrent pour l’apparition magique de personnages. A la fin, des feux d’artifice s’allument accompagnés par des machines à bruitage. A tout cet arsenal, les metteurs en scène ajoutent des idées loufoques et poétiques dans cet opéra de trois heures trente, comme le personnage du Sommeil à l’acte II. Ce bonhomme Michelin en mousse et latex bleu pâle ne chante pas mais dort et baille ! Cupidon – clin d’œil de Christian Hecq à son personnage dans Boliloc de Philippe Genty – apparaît en marionnette manipulée selon la technique du théâtre noir dans une petite fenêtre au lointain. Le trône magique de Vénus avec trois artistes surprend le personnage de Iole à l’acte III. Et il y a d’autres trouvailles au fil de ce récit mêlant mythologie et art baroque.
Carole Allemand, Sophie Coeffic et Valérie Lesort mettent leurs talents d’artiste au service de cet opéra. Et les costumes de Vanessa Sannino s’animent au sens réel du terme. La couleur verte prohibée au théâtre mais très présente ici, participe à la beauté du spectacle… Après Le Domino noir (2018) mis en scène dans ce même théâtre et qui reçut le prix du Syndicat de la critique, les metteurs en scène signent une deuxième réalisation de grande envergure, avec cet opéra rendu accessible à un vaste public et qu’il faut aller découvrir…
A lire :
Article de Jean Couturier. Source : Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Stefan Brion – Opéra Comique. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.