Quel a été votre parcours professionnel ?
Je suis né en Lettonie en 1997, puis j’ai été adopté en 1998 à Reims par une famille aimante qui m’a choyé et comblé de bonheur. Pour tout vous dire, je suis un véritable enfant de la télé, c’est là que j’ai découvert Le Plus Grand Cabaret du monde, le Festival International du Cirque de Monte-Carlo et le Festival International du Cirque de Massy. J’étais émerveillé par chaque artiste. Depuis petit, je baigne dans l’univers du cirque, discipline que j’ai pratiqué durant cinq années. Mais le véritable déclic a été la découverte en 2001 du cirque Pinder Jean-Richard, puis la rencontre avec l’univers poétique de Hugues Hotier Monsieur Loyal du Cirque Éducatif.
Parallèlement à cette passion circassienne, l’enseignement m’a toujours plu, m’incitant très tôt à suivre cette voie. Cependant, quelques années plus tard, suite à une déception dans mon apprentissage de l’Italien, j’ai très vite bifurqué vers l’option théâtre. Un pur hasard, car je n’avais pas une appétence particulière pour cette discipline. Évidemment, mes références de l’époque étaient Au théâtre ce soir avec Micheline Dax, Robert Hirsch ou encore Jean Le Poulain. Très vite, lors des premiers cours de théâtre, on m’a confié le rôle de la belle-mère de Cendrillon de Joël Pommerat que j’ai incarné en m’inspirant du jeu comique de Muriel Robin. Ce mélange des genres ne fut pas sans surprendre mes camarades et mes enseignants de l’époque.
Puis, suite à l’obtention de mon baccalauréat, je suis monté à Paris en octobre 2016, en commençant mon apprentissage à l’école de théâtre l’Éponyme. Durant cette année, j’ai aussi décroché un casting avec le metteur en scène Jonathan Capdevielle me permettant de pénétrer dans le monde du spectacle vivant et ainsi d’obtenir le statut d’intermittent du spectacle. Quelques années plus tard, Jean-Luc Vincent, acteur également, qui m’avait repéré dans une pièce de Jonathan m’a contacté pour me soumettre le scénario de Bruno Reidal. Cette rencontre a été déterminante, me permettant de jouer mon premier rôle au cinéma.
En 2018, vous avez participé à l’une des adaptations de Peter Pan d’Andrew Birkin. Une pièce radiophonique accompagnée par l’orchestre national de Radio France sous la direction de Christophe Hocké. En effet, le monde du célèbre personnage de Disney est en lien direct avec le monde du rêve et donc de l’illusion. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Comme Peter Pan, nous pouvons tout jouer lorsque l’on est enfant et ainsi devenir n’importe qui. Comme Peter Pan, aussi, nous pouvons également nous trouver une multitude de familles ! D’ailleurs, j’ai remarqué que j’ai pu découvrir mille et un parents dans les rôles que j’ai incarné. En effet, depuis 2017, j’ai déjà eu six mères : Clémentine Baert, Nelly Bruel, Isabelle Huppert, Camille Chamoux, Michèle Gurtner et la mezzo-soprano Sophie Koch. Mais, contrairement à Peter Pan, chaque âge a son intérêt. Il faut garder à l’esprit que les rôles vieillissent avec nous et qu’il est toujours possible de jouer à tout âge. Aujourd’hui, j’ai déjà réalisé mon premier rêve : faire ce que j’aime le plus dans ma vie. Désormais, je souhaite continuer à réaliser d’autres souhaits qui me permettront d’avancer dans ce métier. Comme dans un couple, à trop se connaître, on finit par se tuer l’un et l’autre ; Et à trop s’ignorer, on finit par se perdre. L’hygiène intime de l’acteur est dans le changement.
Comment façonnez-vous vos personnages ?
À vrai dire, le travail de recherche est fondamental dans ma conception de mes personnages. L’INA est une ressource inépuisable que je consulte fréquemment. Ce travail d’exploration me fascine, cela me renvoi à ma passion pour l’histoire. J’avais toujours une attirance à être ce que je n’étais pas dans mes jeux. Mon apprentissage de comédien était avant tout d’imiter les autres, avant même de créer ma propre signature. Imiter passe par le formidable pouvoir de la métamorphose. Imiter n’est pas de recopier mais bien de recréer. C’était le cas aussi pour Victor Hugo, Elvis Presley ou Picasso, car avant de peindre toutes ses périodes colorées, il s’était pris au jeu de l’imitation de tous les grands (Monet, etc.). Ce travail d’imprégnation est indispensable pour trouver sa patte, sans jamais tomber dans les travers du plagiat. L’apprentissage se construit par mimétisme et compagnonnage. Très tôt, j’ai eu mon premier coup de cœur cinématographique avec Les Grandes Vacances de Jean Girault, dont Maurice Risch incarnait le facétieux Stéphane Michonnet. La scène du déjeuner est terriblement drôle, Michonnet se voit contraint de goûter tous les plats, alors même qu’il est malade. Des plats totalement insensés, comme la viande saupoudrée de chantilly. Le tout, orchestré par l’indomptable Louis de Funès et son humour désopilant. C’est en réalité un véritable numéro de clown avant même d’être une scène de cinéma.
Avez-vous déjà incarné une voix, donnant l’illusion d’être un ou une autre ?
En effet, j’ai déjà eu l’opportunité de tenter cette expérience, c’est bien l’illusion au sens large du terme que de jouer un personnage simplement par la voix. Selon moi, Zouc (humoriste, autrice-compositrice-interprète suisse) demeure la reine en la matière. Elle est capable de modifier sa voix pour s’adapter à tout type de personnage. Comme Robert Hirsch adorait le faire, c’est surtout ce travail du masque que j’affectionne le plus. Mais, plus que tout, cette incarnation des rôles est beaucoup plus profonde selon moi, il s’agirait même de convoquer des voix qui ne sont pas les nôtres. C’est une forme de transcendance. Nous faisons un métier d’appropriation. Depuis petit, je travaille ma voix par plaisir, en imitant mes professeurs d’école par exemple, tout en gardant un regard bienveillant. Pourtant, au départ, j’étais un enfant très timide, j’observais beaucoup et j’adorais aussi les arts plastiques.
Pouvez-vous nous parler de la master class que vous avez animé sur l’intelligence artificielle (IA) en 2024 ?
Tout à fait, la thématique abordée était la suivante « La peur de l’intelligence artificielle & vôtre intelligence artistique créatrice ». L’IA est un outil formidable qui peut aider de nombreux jeunes à améliorer la qualité rédactionnelle de leurs écrits, mais aussi leurs recherches en entreprise par exemple. L’IA est comparable à un marteau, on peut construire ou détruire avec. Donc ce n’est pas l’outil qui pose problème, mais bien ce que l’on en fait. Les risques sont réels, mais les IA ne sont pas des créatures autonomes, mais bien un outil. Il est donc indispensable de prendre le train en marche et d’être en phase avec l’avancée de cette technologie, dans le sens positif du terme. Néanmoins, malgré les bénéfices inhérents à cette nouvelle technologie, j’ai récemment conseillé à des élèves, lors du César des Lycéens à Perpignan, de se nourrir également des ouvrages et supports papiers, qui restent et demeureront des sources inépuisables de connaissances.
Pensez-vous que l’intelligence artificielle puisse avoir un impact sur les doublures de voix ?
D’ici dix ans, un cahier des charges strict devra être établi, afin d’éviter des dérives. Demain, il sera possible de doubler un film de Glenn Close dans des dizaines de langues avec une voix identique à celle de l’actrice, tout en synchronisant ses lèvres avec son texte. Les directeurs de casting pourraient être remplacés par des algorithmes avancés. La start-up suisse Largo.ai utilise deux types d’intelligences artificielles, l’une générative et l’autre prédictive, pour aider les producteurs et réalisateurs à constituer le casting idéal. Cependant, ce qui fait défaut à l’intelligence artificielle, c’est la capacité à douter. L’IA ne remet jamais en question ses certitudes. Par conséquent, tout comme les bibliothèques, les dictionnaires et les encyclopédies, elle risque de n’être qu’un outil parmi d’autres. Et c’est tout !
Avez-vous un rapport différent dans votre approche de la comédie au théâtre ou du jeu d’acteur au cinéma ?
Mon jeu au théâtre et au cinéma est quasiment identique, il y a toujours une écoute qui vient soit du public, soit de l’équipe technique. Au théâtre tu es « le patron » sur scène, alors qu’au cinéma tu dois être en accord avec les attentes du metteur en scène, du directeur de casting et du script, afin de ne pas engendrer de faux raccords. Au théâtre, on joue. Au cinéma, on a joué. Vous avez quatre heures !
Parlez-nous de votre passion pour l’art clownesque et du maquillage. Le maquillage est un instrument vous permettant de donner l’illusion d’être un autre. Quel regard portez-vous aussi sur ce sujet ?
J’aime à prendre l’exemple de Michel Serrault qui se fondait aussi bien dans le rôle du Docteur Petiot que dans celui d’un personnage totalement excentrique comme dans La cage aux folles. Le maquillage est un masque, permettant de se dissimuler aussi bien derrière une cantatrice ou jouer la carte d’un personnage plus sinistre. Pour faire le parallèle avec le cirque, Jean-Claude Dreyfus s’était notamment grimé en dresseuse d’otaries lors du 49ème Gala de l’Union des artistes. Un délice !
Pour tout vous dire, nous sommes presque plus illusionniste qu’un magicien professionnel, car, autant on peut « laisser des bouts de soi » dans un rôle, mais cela n’engage que nous. Autant ce masque permet d’interpréter des « morceaux de soi », façonner des personnages de composition comme Bruno Reidal avec des accents du Sud de la France. Bruno Reidal restera toujours aux antipodes de ma véritable personnalité, au-delà même du fait qu’il était un criminel sanguinaire, dénué d’une quelconque empathie. Comme aimait le dire Pierre Arditi « on est des morceaux de soi sans que le public le sache ». C’est notre cuisine interne, Jean-Claude Brialy le savait.
Comment réussissez-vous cette dissociation dans votre vie privée avec le personnage incarné au cinéma ou au théâtre ?
Je m’efforce de rester le plus loin possible de mon rôle, afin qu’il n’empiète pas sur ma vie privée. Dès que la caméra se coupe je m’amuse. Cela me permet de maintenir une distance dans ma vie réelle et ainsi me protéger. Je ne parlerai pas non plus d’hypersensibilité, mais je reste très sensible à de nombreuses causes comme rester fidèle à ma légende (être « raccord » tant dans la vie que dans mon travail), le féminisme, l’égalité des genres dans le monde du travail et la lutte contre l’abandon.
Parlez-nous de votre passion pour l’art circassien et votre regard sur l’opéra ?
Certains numéros de cirque me bouleversent aussi, je pense notamment à ce magnifique duo d’artistes asiatiques lors d’une des précédentes éditions du Festival International du Cirque de Monte-Carlo, dont la performance exceptionnelle était en harmonie parfaite avec la musique. Un numéro de danse classique mis en scène sous forme de mains à mains, brillant ! Comme les clowns, certain(e)s comédien(ne)s et acteur(trice)s m’émeuvent, c’est le cas de Giulietta Masina dans La Strada ou encore Audrey Hepburn dans Summer Times. L’opéra me plaît aussi, je pense à Cecilia Bartoli, mais aussi à certaines mises en scène de Jean-Louis Grinda. J’ai même pu jouer dans un opéra intitulé Wozzeck, mis en scène par Michel Fau. Ces mises en scène sont teintées d’onirisme, un univers que j’affectionne particulièrement. D’ailleurs, lorsque j’ai participé à cet œuvre, je jouais le personnage central, le fils de Marie, rêvant dans son lit d’enfant toute l’histoire de Wozzeck. C’est véritablement la nature baroque de cette pièce qui m’a le plus enchanté. Je me surprends à m’évader aussi dans les ouvrages d’Albert Camus, c’est cet aspect brut ayant pour cœur la question même de l’existentialisme qui me fascine. Car, si le monde est absurde, à quoi bon vivre ? Une question lourde de sens, dont chacun(e) à sa propre réponse. D’ailleurs, j’adapte et mets en scène actuellement la nouvelle d’Andra Neiburga Pousse pousse au théâtre avec l’actrice Zahia Mekid qui traite de ce sujet. À titre de comparaison, le clown Grock incarnait à merveille cette dimension de l’absurde. Mais, c’est véritablement Charlie Rivel qui a été le facteur déclenchant de mon attrait pour l’art clownesque.
En abordant la thématique de l’illusion, celle « d’être un autre l’espace d’un instant », pouvez-vous nous présenter la pièce de théâtre Rémi mis en scène par Jonathan Capdevielle ?
Tout a commencé lorsque mon ami Jonathan Capdevielle a joué le rôle de Peter Pan, à ce moment précis, il a su qu’il souhaitait mettre en scène des pièces pour enfants. Puis, suite à la lecture du célèbre roman d’Hector Malot Sans famille paru en 1878, nous avons échangé et nous nous sommes mis d’accord sur la création d’une pièce de théâtre Rémi s’inspirant du manga adapté de l’œuvre originel. Ce maquillage de clown, cette forme de bleu au coin de l’œil n’est pas anodine. En effet, comme tous les enfants nous avons toujours eu ce péché mignon d’effrayer nos parents et grands-parents plus jeunes. Rôle que je reproduis avec Rémi, qui, grâce au maquillage, faire croire à sa mère qu’il a été victime de violences.
Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
Mes sources d’inspiration outrepassent nos frontières nationales, comme c’est le cas d’Arlequin, héritage de l’Italie qui a nourri ma créativité. Sans oublier au Moyen Âge, le fou du roi, qui avait pour rôle de divertir. De nombreux écrivains ont notamment écrit sur cette thématique, par exemple, au sujet des jeux du cirque au temps de Jules César. Selon moi, l’humour sous quelque forme qu’il soit est fondamental dans nos sociétés contemporaines, il nous rend vivant. L’autodérision est aussi un véritable système de défense. Des penseurs m’inspirent également, comme Jean d’Ormesson, Gaston Bachelard, Jacques Attali ou Michel Simon qui avait ce souci de l’écologie, cause qui me tient à cœur.
Un film vous tient particulièrement à cœur ?
Le film Bagdad Café (1988) que j’ai découvert récemment est un hymne à l’amitié et à la magie des rencontres inattendues. Dans ce désert aride, Jasmine, avec sa joie de vivre, transforme un café désolé en lieu de renaissance. La simplicité des destins croisés devient extraordinaire, chaque personnage retrouvant, à travers le regard des autres, un éclat de bonheur perdu. Ce que j’ai aimé le plus, c’est cette alchimie délicate qui, sans artifices, offre une chaleur humaine contagieuse et l’émerveillement dans les regards de chacun des personnages de Percy Aldon. Une leçon douce sur l’art de rendre heureux. C’est ça aussi la magie et notre métier.
Vous avez joué récemment dans le film La Petite Vadrouille de Bruno Podalydès qui est également magicien. Pouvez-vous nous parler de cette rencontre ?
Je me baladais au Jardin des Tuileries, lorsque j’ai pris connaissance du scénario de La Petite Vadrouille. Suite à cette lecture, j’ai trouvé l’idée géniale. Très vite, avec la personne qui partage ma vie, nous avons réalisé une courte vidéo de présentation sur le toit du BHV à Paris. Nous l’avons ensuite transmise à la directrice de casting, qui, deux jours plus tard, m’a contacté pour une audition. Enthousiaste, je me suis alors prêté au jeu, devant Bruno Podalydès en personne, en jouant le rôle d’un mousse maladroit, j’ai alors fait semblant de m’étrangler avec un fil de chargeur en nouant un faux nœud marin. Tout n’était qu’improvisation. C’est alors, que ma candidature a été retenue. Nous avons tout de suite accroché, partageant notamment la même vision du cinéma. Puis, tout s’est enchaîné très vite. Quel bonheur, cela a été de travailler avec Denis Podalydès, Florence Muller et les enfants de Bruno. Chaque prise était un véritable divertissement, nous permettant d’être le plus naturel possible devant la caméra, et ainsi, concevoir un film de qualité. Cette comédie m’a offerte l’opportunité rêvée de jouer enfin mon premier rôle comique. L’illusionniste Yann Frisch a également participé à ce film, j’adore son travail, j’ai d’ailleurs été chamboulé par l’une de ses pièces de comédie magique au Théâtre du Rond-Point.
Quelles sont vos inspirations artistiques ? Il me semble que le célèbre magicien ukrainien Voronin et l’illusionniste/comique Mac Ronay vous inspire quotidiennement ?
Tout à fait, ces deux comédiens/magiciens m’ont beaucoup inspiré, Voronin, par son imaginaire singulier me fascine. Encore une fois, la fiction nous renvoie à l’univers de Peter Pan. Les numéros de Voronin m’ont profondément touché, en raison également de la musique de Raimond Pauls, célèbre compositeur letton, dont la musique populaire a bercé mon enfance. Le parcours de Raimond Pauls est d’autant plus remarquable qu’il a été ministre de la Culture en Lettonie. L’illusionniste Jérôme Murat avec son numéro atypique de La Statue, alliant magie et poésie a aussi exercé une influence non négligeable dans ma construction d’artiste. Cela me touche d’autant plus, que ces deux artistes ont cette qualité inouïe de savoir équilibrer leurs numéros avec une bande-sonore parfaitement adaptée. Créant ainsi une harmonie parfaite, que je souhaite aussi transposer dans mon prochain seul en scène Latvian Boy.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce seul en scène, intitulé Latvian Boy ?
Le fil rouge de mon spectacle sera constitué d’un ensemble de personnages retraçant mon histoire personnelle et mêlant mes diverses passions, celle du cirque notamment. Il a été temps pour moi de retourner sur les terres où je suis né, en rendant hommage à mes parents russes qui m’ont fait naître à Jelgava. J’ai découvert une nouvelle culture et un nouveau monde. C’est un appel de mes racines, un besoin de comprendre ce que j’y ai trouvé. Dans le cadre du seul en scène, mis en scène par Jonathan Capdevielle, je vais explorer une culture fantasmée, celle de la Lettonie. L’humour est un élément clé que nous souhaitons développer dans cette pièce, un aspect que nous n’avons pas eu le temps d’explorer dans notre précédente collaboration sur À nous deux maintenant ou encore Caligula.
Cet été, je me suis interrogé également sur la manière dont je vais aborder la figure du clown, en jouant sur son côté populaire, le travail corporel, et la vivacité de la fiction, tout en intégrant des références personnelles. Peut-être développer ma première vision du théâtre, avant de choisir cette voie. Ce solo représente une sorte de mise à nu. Je pense aussi à l’idée de la marionnette comme un élément à explorer, en jouant avec les personnages que j’imite, que ce soit à travers leurs paroles ou mon propre texte, qui peut donner une signification différente. Je me vois comme un médiateur entre toutes ces voix.
Ma première spectatrice a été ma mère, et je ressens toujours ce désir de lui faire plaisir. Cela crée une contradiction entre les aspirations professionnelles que mes parents avaient pour moi (devenir clown ou travailler dans un cirque) et mon propre désir de devenir professeur. Dans ce contexte, je réfléchis à la manière de capter l’attention du public. Tout un programme ! Je n’en dirais pas plus et je vous donne rendez-vous au théâtre prochainement !
Vous appréciez aussi beaucoup le travail de Louis Jouvet, notamment dans le film L’entrée des artistes. Dites-nous-en un peu plus ?
Effectivement, j’ai récemment revu ce film magnifique qu’est L’entrée des artistes, dans lequel on perçoit le « côté pharmacien », si je puis-dire de Louis Jouvet. Le tout mettant en lumière des actrices de l’époque dont le jeu est une véritable source d’inspiration. J’aurais également rêvé d’assister à un cours de Tania Balachova (comédienne française) ou de Stella Adler (actrice et professeur d’art dramatique américaine). J’ai aussi un goût prononcé pour les cours de théâtre, transmettre me plaît beaucoup. Je salue le travail de ces enseignants qui réussissent à faire émaner de nous quelque chose, sans pour autant nous partager beaucoup de connaissances. Ce sont des véritables chefs d’orchestre, un métier que j’admire, car l’on doit fédérer une équipe, présenter une œuvre qui n’est pas la nôtre, mais que l’on doit servir. C’est comme si on convoquait des énergies pour répondre à la commande et ainsi, toucher les étoiles.
Quel est votre regard sur l’art de l’illusion ?
L’art de l’illusion m’intéresse et j’adore observer les attitudes des magicien(ne)s, certain(e)s surjouant parfois. Il est vrai que c’est le principal problème de certain(e)s magicien(ne)s qui n’ont pas forcément reçu de formation théâtrale, tout comme certain(e)s chanteurs/chanteuses d’opéra. Néanmoins, j’apprécie beaucoup le duo de magiciens américains Siegfried & Roy, dont l’interaction sur scène était excellente et dont les grandes illusions étaient aussi époustouflantes. Le magicien Garcimore demeure mon coup de cœur de la magie : « oh, bah ça marche pô ! »
Avez-vous quelques anecdotes au sujet des différents Prix que vous avez reçu ?
Effectivement, en 2016, j’ai reçu le Prix du civisme à la mairie de Reims, par surprise, à l’initiative de ma proviseure de l’époque, qui avait fortement apprécié ma démarche d’entraide à l’égard de mes camarades de Seconde et Première. Ma passion pour l’enseignement était déjà très marquée à l’époque, et il est vrai que cette approche pédagogique m’a beaucoup aidé à travailler mes rôles par la suite. Enfin, en 2023, j’ai eu la chance inouïe d’être nommé dans la catégorie Espoirs masculins aux Césars pour mon rôle principal dans le film Bruno Reidal, réalisé par Vincent Le Port. Mais, la véritable consécration a été lorsqu’il m’a été décerné le Prix Lumière, que la presse internationale m’a remis à l’unisson pour ce film.
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Merci à Dimitri Doré pour cet échange ayant eu lieu en septembre 2024. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : © Victoria Vinas / Dimitri Doré / Christophe Raynaud de Lage / Mirco Magliocca / Yannick Doré / Pierre-Emmanuel Urcun / James J. Weston (photo de couverture). Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.