Direction artistique : Marlène Rubinelli-Giordano. Scénographie : Sigolène de Chassy. Lumière : Laurent Bénard. Costumes : Emmanuelle Grobet. Magie : Benoit Dattez. (Création 2018).
Cela se passe à l’Espace Cirque, installé dans le quartier Pajeaud, qui a été inauguré il y a quinze ans grâce à Marc Jeancourt, directeur du théâtre Firmin Gémier nommé en 2000. Avec un cirque le plus souvent au croisement du théâtre, de la musique, de la danse et aussi des arts plastiques. Mais pour ouvrir un nouvel équipement, les élus et les partenaires comme ceux de l’Agglomération, du Département et de l’État devaient y trouver un intérêt. « Pour obtenir leur accord, il a fallu une idée claire, de la persévérance et pas mal de chance », dit Marc Jeancourt. « Mais j’étais sûr de pouvoir convaincre par les spectacles »…
Bien vu : en effet, a vite été trouvé un lieu afin d’installer un Espace Cirque définitif au sud de la ville pour capter un nouveau public. Finalement, c’est assez loin du centre-ville, avenue Georges Suant dans un ancien terrain vague tout près d’un stade et des tours du quartier Pajeaud. Et il y a neuf ans, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, vint voir le premier Pôle National Cirque d’Île-de-France. Ce qui avait valeur de reconnaissance officielle de l’Etat. « Aujourd’hui, dit aussi Marc Jeancourt son directeur, l’Espace Cirque est devenu en quelque sorte un produit d’exportation d’Antony. » Et effectivement sous un beau chapiteau, il offre une programmation régulière du meilleur de ce qui se fait en nouveau cirque qui, depuis une trentaine d’années a pris ses distances avec les cirques traditionnels de notre enfance : disparues les affiches tapageuses, les animaux « sauvages » en cage avec dompteurs, les séquences d’exploits techniques, disparu aussi l’incontournable M. Loyal, les deux clowns très grimés mais pas souvent drôles, la musique avec grosses caisses et tambours…
Mais l’acrobatie reste bien présente avec sauts périlleux, trapèzes volants, équilibrisme et plus récemment roue Cyr du nom de son inventeur québécois. Et parfois des chevaux, surtout chez Bartabas. Dénominateur commun des spectacles actuels : une véritable mise en scène, donc une prise rigoureuse du temps et de l’espace, des costumes et accessoires d’une réelle beauté plastique, l’usage de petits vélos ou machines avec ou sans roues, mais sophistiquées et utilisées par des acrobates, le travail exemplaire sur les lumières avec projections et parfois même une scénographie très élaborée avec plateaux suspendus, un fréquent recours à la chorégraphie et à des sons et musiques franchement contemporains. Et souvent une trame narrative ou du moins un fil rouge, voire une saynète de théâtre…
C’est à cet esprit qu’appartient ce spectacle conçu par Marlène Rubinelli-Giordano avec cinq circassiens : Guillaume Amaro (mât chinois), Florent Blondeau (fil), Adalberto Fernandez Torres (contorsions), Emma Verbeke (aux sangles mais qui pratique aussi l’équilibre sur la tête) et Monika Neverauskaite (roue Cyr). La plupart issus de l’excellente école de cirque de Châlons-en-Champagne où nous les avions déjà vus dans leurs spectacles de sortie de promotion. Quand on entre sous le chapiteau, on passe devant une série de bottes et une jeune femme-tronc aux seins nus et aux beaux et longs cheveux qui regarde sans les regarder, de gros bocaux où baignent une tête humaine, un fœtus comme autrefois dans l’ancien musée de la Rochelle… Devant un rideau en plastique translucide qui augmentent l’aspect surréaliste de cette scène de présentation. Quelques personnages accueillent le public dont une femme à quatre bras ou une autre aux longs ongles coupants. Tout un univers, pas loin de Salvador Dali, Man Ray, Dorothea Tanning, René Magritte…
Marlène Rubinelli-Giordano a longtemps codirigé le collectif AOC qui, avec d’autres, a réinventé le cirque contemporain en France, loin des animaux en cage, etc. Entre acrobaties aériennes ou au sol et numéros qui s’enchaînent impeccablement de contorsionniste, d’acrobates aux sangles, au fil, mât chinois ou roue Cyr, tout le spectacle est d’une grande beauté plastique. Le spectacle conçu avec précision, participe aussi surtout à la fin avec des roulades au sol, d’une chorégraphie poétique. Malgré quelques petites longueurs, on se laisse prendre comme dans une douce rêverie, pendant quatre-vingt-dix minutes à ce travail d’une grande simplicité mais qui est, bien entendu, le fruit d’une longue et rigoureuse expérience collective. Le public les a longuement et avec raison applaudi. Mais vous ne pourrez pas les voir, du moins pas tout de suite ! En effet, le Préfet Didier Lallement a notamment interdit les spectacles sous chapiteau jusqu’au 19 octobre… Mais pas les trajets dans les RER bourrés et pas les manifestations au Centre Georges Pompidou qui pourtant, ne fait absolument pas respecter les fameux « gestes-barrières »… Comprenne qui pourra. Nous vivons une époque moderne, disait déjà Philippe Meyer il y a quelque vingt-cinq ans.
Source : Théâtre du Blog.
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