Un panorama de photos de cinquante films réalisés avec des chorégraphies spécialement conçues avec un article. Dans une post-face de ce livre, Patrick Bensard qui a longtemps dirigé la Cinémathèque de la Danse et y avait constitué depuis 1983 une collection de films, précise que Cinédanse est une expression empruntée au vocabulaire surréaliste et qu’employait souvent le cinéaste Jean Rouch. Les nombreux contributeurs sont à la fois des critiques, entre autres : Raphaël de Gubernatis, Nicole Gabriel, Jean-Marc Adolphe, Dominique Frétard, Nicolas Villodre, Bernard Rémy, Marc Lawton, des chorégraphes : Daniel Larrieu, Bernardo Montet, Cécile Proust, Pascale Houbin, Norbert Corsino, Carolyn Carlson qui parle avec admiration de son maître Alwin Nikolaïs qui a été aussi celui de Philippe Decouflé, Dominique Boivin. Odile Cougoule et la chercheuse en danse Dominique Rebaud, un couturier Christian Lacroix, des interprètes comme Elisabeth Schwartz, des producteurs : Anne Alexandre, Serge Bromberg… Tous ont en commun une véritable passion pour la danse au cinéma et savent la faire partager dans des textes courts mais précis, et bien documentés avec une photo par film. Ce qui donne une belle unité à cet ouvrage…
On ne peut tout citer mais ici sont analysés dans les quatre sections : Capture, pour, entre autres : Danses Gitanes, Récit Fondamental avec Die Klage der Kaiserin de Pina Bausch, Expérimental, Actuel, Musical :avec La Revue des revues (Joséphine Baker), Sunnyside de Charlie Chaplin (1919), Singin’in the rain avec l’incomparable Gene Kelly (1952), La Mort du cygne dansée par Anna Pavlova et Swing Time, avec Fred Astaire et Ginger Rogers. D’une autre époque mais tout aussi passionnantes, ces Danses Gitanes filmées en 1905 par Alice Guy (1873-1968), la première cinéaste à créer des films de fiction et dont on a récemment redécouvert l’œuvre… Léon Gaumont publiait il y a juste un siècle, Notice rétrospective sur les établissements Gaumont, mais ne cita pas une fois Alice Guy. Henri Langlois, qui a consacré une soirée en son honneur à la Cinémathèque française en 1957 ne mentionne pas son nom dans le texte qu’il consacra aux pionniers français du cinéma. Elle a pourtant réalisé ou dirigé à la même époque une centaine de « phonoscènes » : ainsi ont été conservées la voix et la gestuelle de chanteurs d’opéra et chansonniers populaires comme Dranem, Félix Mayol… Citons aussi Bourrées d’Aubrac de Jean-Dominique Lajoux et Francine Lancelot (1965) par Dominique Rebaud : histoire de dire que l’on dansait aussi ailleurs qu’à Paris et peut-être un clin d’œil à cette ancêtre de la danse classique… Et que Laurence Louppe, historienne de la danse (1938-2012) aimait beaucoup regarder dans le Cantal… Il y avait notamment un éleveur gros format qui, pourtant, dansait avec une grâce inimitable…
Et il y a un bel hommage de la chorégraphe et danseuse Dominique Rebaud qui parle avec admiration du célèbre film Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967). Une distribution d’enfer : pour la chorégraphie, Norman Maen et Gene Kelly qui y danse aussi comme George Chakiris, Michel Legrand, compositeur, les actrices Françoise Dorléac – brûlée vive dans un accident de la route, en allant prendre un avion pour aller à la première des Demoiselles de Rochefort en anglais à Londres – sa sœur Catherine Deneuve, Danielle Darrieux. Et Michel Piccoli, Jacques Perrin, Christiane Legrand, la sœur de Michel, une interprète des parties chantées. Il n’y a sans doute pas représentés ici tous les chorégraphes mais l’ensemble sur plus de cent ans, donne une très bonne image de la danse au cinéma jusque aux années 2000. Et pas seulement en Europe mais aussi en Afrique (Les Maîtres fous de Jean Rouch ou en Asie avec Kazuo Ohno… À la soirée de présentation du livre, nous avons pu voir un montage de plusieurs extraits de ces films. Comment ne pas être ébloui par le célèbre numéro de danse dite « serpentine », mis au point en 1892 par l’artiste américaine de music-hall Loïe Fuller qui a influencé bien des courants esthétiques du XXe siècle. Stéphane Mallarmé avait vu chez elle une ivresse d’art. »
« Le mouvement, disait-elle en 1908, est un instrument par lequel la danseuse jette dans l’espace des vibrations et des musiques visuelles. « Ce livre, sous la direction de Dominique Rebaud et Nicolas Villodre, est très bien réalisé, avec un excellent choix de photos et comporte aussi des notes, un index de premier ordre complet, une bibliographie. Les films de danse sont une sorte de trésor national qu’il faut défendre mais qui doit être accessible à tout le monde. Cinédanse avec cette large palette d’œuvres en tout genre, donne envie d’aller les voir ou revoir tous ceux d’anonymes, ou de grands cinéastes : Georges Méliès, Jacques Demy… et de chorégraphes, eux aussi anonymes, ou célèbres : Joséphine Baker, Alwin Nikolaïs, Merce Cunningham, alors inconnu mais accueilli dans leur studio par Dominique et Françoise Dupuy, Pina Bausch régulièrement invitée au Théâtre de la Ville comme Anne Teresa de Keersmaker. Lucinda Childs qui travailla avec Bob Wilson, lui-même élève d’Alwin Nikolaïs, notamment sur le très fameux Einstein on the beach, Carolyn Carlson… Des artistes étrangers qui ont tant apporté à la danse en France…
À lire :
- Cinédanse : 50 films culte (Nouvelles éditions Scala, 2024)
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