Quel parcours avez-vous suivi pour devenir maître de cérémonie ?
Originaire de Cholet ma formation artistique reste plutôt classique, en commençant par le club de théâtre du collège, ce n’est qu’ensuite que j’ai assisté à des cours au Conservatoire lorsque j’ai commencé mes études supérieures d’Histoire à l’Université d’Angers. J’ai également fait beaucoup de radio locale, ce qui m’a permis d’apprendre l’improvisation, technique indispensable pour mon rôle de maître de cérémonie. Un métier que j’exerce depuis vingt-six ans et dans lequel je ne cesse d’apprendre.
Comment a débuté votre carrière ?
J’ai été repéré lors du festival Chalon dans la rue (à Chalon-sur-Saône) où j’ai eu la chance de rencontrer Pierre et Quentin (fondateurs du festival) qui inauguraient l’Abattoir. Suite à cette rencontre, je me suis retrouvé à la Une des journaux, ma carrière artistique était lancée !
Comment définiriez-vous votre rôle au Festival Mondial du Cirque de Demain ?
Au Festival, je joue la carte de l’humour décalé, d’un humour de situation, me nourrissant de tout ce qui se passe autour de moi afin de toujours être capable d’assurer la répartie nécessaire quelle que soit la situation à laquelle je suis confronté. Les représentations étant peu nombreuses, je n’ai pas le temps de m’ennuyer et d’être pris dans une routine qui m’angoisse. Néanmoins, il m’est déjà arrivé de jouer le rôle de maître de cérémonie pour des spectacles répétés de nombreuses fois, tel a été le cas pour Gaia du Cirque Phénix qui mettait à l’honneur l’ensemble des femmes artistes du monde entier. Présenter près de quatre-vingt fois ce spectacle sur un total de cent représentations, la surprise n’était plus beaucoup de la partie. C’est cet imprévu qui m’a stimulé à choisir ce métier et qui continue de m’animer au quotidien. Cela n’est pas le cas d’une pièce de théâtre classique : on doit aller d’un point A à un point Z, tout est bien ficelé à l’avance avec, en général, de très nombreuses représentations dans des théâtres souvent identiques.
Je tiens à souligner que le métier de maître de cérémonie est totalement différent du comédien de théâtre. Selon moi, ce personnage est un prolongement de ma personnalité, je ne joue pas un autre moi comme c’est le cas au théâtre. À titre d’exemple, les Messieurs Loyal sont dans un rôle d’interprète de leurs textes qu’ils connaissent par cœur et qu’ils adaptent en temps réel au cours du spectacle. Mon approche est totalement inverse, puisqu’une fois sur deux je ne sais pas quel va être la durée de mon intervention. Nous ne bénéficions pas du temps nécessaire pour répéter les numéros. Ce qui est le cas d’à peu près tous les spectacles dans lesquels j’interviens.
Comment percevez-vous votre métier ?
Nous sommes avant tout un métier de service, les gens viennent pour voir les artistes que je mets en lumière. Certes, ma présence et mon jeu leur plaît, mais je suis avant tout au service du spectacle et des artistes. Mon approche est créative mais je ne me considère pas comme un artiste. Le revers de la médaille c’est que je n’appartiens à aucun cercle, ce qui m’offre certes une plus grande liberté mais en même temps je suis davantage livré à moi-même.
Parlez-nous un peu de votre personnage ?
J’ai choisi d’incarner un personnage très voyant, caricatural, aux traits marqués mais pour autant il n’est qu’un prolongement de ma personnalité. Les pantomimes prennent une place importante dans mon rôle.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre costume ?
J’ai grandi dans le milieu du scoutisme et mon histoire familiale a contribué à construire ce personnage. Connaissant tous les codes il m’était plus facile de créer cette figure. Mon costume est le fruit de toutes les modes françaises depuis la Renaissance, mélangeant les époques. Mon maquillage date du XVIIIe siècle, ma redingote du Second Empire, mes bottines de la Troisième République, etc. Je m’amuse à varier mes tenues et accessoires, parfois je porte la fraise, la fois suivante le jabot. Le spectacle étant intergénérationnel et populaire, il se doit aussi d’être en phase avec son époque. En effet, mes références culturelles ont évolué, lorsque j’ai débuté ma carrière je citais Dario Moreno, désormais je cite Tino Rossi et Line Renaud.
Quels autres événements présentez-vous ?
Je côtoie beaucoup d’autres univers très différents, c’est cela qui fait la richesse de mon métier ; par exemple, récemment j’ai présenté un congrès de deux jours relatif à la prise en charge des Séniors. Cependant, malgré la diversité des événements que j’anime, je reste toujours fidèle envers certains que je présente, comme le Festival Mondial du Cirque de Demain, le Festival d’Avignon, etc. J’ai également présenté des spectacles équestres, ce milieu étant particulièrement complexe de par la variété des artistes et les disciplines présentées. Dans ce domaine précisément, il y a un vivier de jeunes talents : Lorenzo, Jean-François Pignon qui sont pour moi de véritables « dieux vivants » de l’art équestre.
Quelle est votre plus belle récompense ?
Le public, c’est lui seul qui décide si le numéro est bon ou pas, ce ne sont pas des théoriciens. J’ai souvenir d’une triple standing ovation pour des artistes scandinaves, les « Scandinavian Boards » qui pratiquaient le saut à la bascule en alternance sur trois planches différentes. Une véritable hystérie collective s’était installée sous le chapiteau, l’émotion était telle qu’un grand prix du Festival a été inventé spécialement pour eux. Même si un artiste ne s’avère pas récompensé par un prix, il arrive souvent qu’il décroche un contrat quelque temps plus tard dans de magnifiques shows. Malgré la compétition instaurée par cet événement, il règne dans l’ensemble de cette semaine quelque chose d’extrêmement convivial, une véritable bienveillance collective. C’est l’une des raisons qui justifie le plaisir que j’ai toujours à présenter le Festival Mondial du Cirque de Demain chaque année à la fin janvier.
Quel est, selon vous, une qualité fondamentale pour exercer votre métier ?
L’humilité est fondamentale, nous ne sommes pas des « demi-dieux ». Nous n’avons pas plus de mérite d’être un grand artiste, qu’un grand boulanger… cela reste toujours moins important qu’un chirurgien cardiaque !
Quels sont les illusionnistes que vous avez déjà eu l’opportunité de présenter en spectacle ?
Je pense à Rémi Lasvènes qui a réalisé un numéro singulier alliant jonglerie et illusion (lévitation de balles) au Festival. Le danseur-magicien Arthur Cadre a également fait deux fois le Festival, la première fois comme contorsionniste, puis il est revenu avec un numéro combinant magie et contorsion. S’agissant de la « magie nouvelle », il y a Étienne Saglio qui a depuis fait une très belle carrière (à titre d’exemple son spectacle Le soir des monstres) ; Antoine Terrieux, qui a aussi conçu un concept original, composé de jonglerie, de magie spéciale, etc. Ils ont créé d’ailleurs L’opéra pour sèches-cheveux avec leur compagnie Blizzard concept. Dans la catégorie magie plus classique mais « nouvelle » malgré tout, j’ai pu présenter Fred Razon qui fait du pickpocket mais aussi Gus, Michel Fages, Xavier Mortimer…
Êtes-vous aussi féru de magie ?
Je suis un rationnel, mon cerveau n’aime pas ne pas comprendre, pourtant j’ai présenté beaucoup de mentalistes, d’illusionnistes, de manipulateurs, etc. Selon moi, dans la magie comme dans le cirque, il y a des modes comme l’art du pickpocket, le mentalisme, la magie numérique… Ce qui est très surprenant c’est ce regain d’intérêt pour le mentalisme qui a longtemps été délaissé des arts magiques.
Avez-vous déjà été le fil rouge d’un événement uniquement consacré à la magie ?
Oui, tout à fait, j’ai présenté un congrès de la FFAP (Fédération Française des Artistes Prestidigitateurs) à Angers en septembre 2007. J’en garde un bon souvenir, notamment en raison du comportement très professionnel du public essentiellement composé de magiciens. À contrario, lorsque je présente un festival d’humour, comme c’est le cas chaque année à Saint-Gervais, le public n’est pas forcément composé de professionnels de l’humour mais bien d’un panel de personnes très variées. Dans ces univers que je fréquente, je me rends compte que les danseurs ont peu de rapport avec les artistes de cirque, c’est le lot aussi des humoristes. En général, les carrières des magiciens comme celles des clowns sont bien loin du monde du cirque.
Je présente aussi des spectacles de clowns plus contemporains, les « Sérénissimes de l’humour » en Principauté de Monaco. En-dehors de la Belgique, de la Suisse et de Monaco, où les cultures sont assez proches de la France, j’ai déjà travaillé à Singapour, au Canada… j’ai même reçu le Prix Nikouline au Festival Mondial du Cirque de Demain, ce qui est étonnant puisque les directeurs du célèbre cirque russe ne parlent pas un mot de français. Les quelques fois où j’ai travaillé à l’étranger (hors pays francophones), mon accent forcé en anglais (tout comme Maurice Chevalier) a eu un succès retentissant, cela a été le cas à Singapour où je présentais une compagnie de cirque.
Est-ce particulier de présenter des numéros de magie ?
En réalité, il n’est pas très facile de présenter de la magie, car on ne peut pas dire grand-chose sans révéler le mystère qui entoure cette discipline. Il faut susciter l’envie au public de voir ce numéro sans trop en dire. En général, je brode en racontant des bêtises. De plus, le fait d’avoir un maquillage, un costume, des accessoires rendent tout cela possible. Si je tenais les mêmes propos dans une tenue classique, cela ne sonnerait pas du tout pareil. Mon accoutrement crée de la distance entre moi et le public tout en étant proche de lui en même temps. Toutefois, je suis et reste timide ; mais lorsque j’incarne mon personnage je ne suis plus la même personne.
À visiter :
- Le site de Calixte de Nigremont
- 43ème Festival Mondial du Cirque de Demain du 25 au 28 janvier 2024, Cirque Phénix, Pelouse de Reuilly, Paris 12ème.
Merci à Calixte de Nigremont pour cet échange ayant eu lieu en décembre 2023. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : Valérie Thénard Béal, Calixte de Nigremont et Creative Commons. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.