Pour célébrer les dix ans du Cabaret burlesque, deux soirées exceptionnelles seulement, avec numéros d’effeuillage et selon le Bataclan et le Burlesque Klub, « la crème de la crème du New Burlesque hexagonal ». Le public ? Surtout de nombreux trentenaires à la fois participatifs et complices qui réagit aux bons mots de Valentina del Pearls, la maîtresse de cérémonie. Puis, après l’entracte, ceux de Lolla Wesh, alias Tom de Montmartre. Selon le site Internet du Bataclan, ancien Grand café chinois-théâtre Bata-clan édifié en 1864, ce spectacle de strip-tease, censé être « drôle, poétique et décapant » est un « divertissement mêlant cabaret coquin et comédie légère » et presque aussi ancien que la célèbre salle du boulevard Voltaire.
Il rend un culte à la pin-up (l’une des plus célèbres ayant été l’Américaine Bettie Page) et, de nos jours, aux pin-up en général, quel qu’en soit le genre. La gent masculine, encore en minorité, trouve à s’exprimer ou à s’exhiber. Et toutes les lettres du gai Paris : LGBTQ… XYZ sont désormais incluses au programme, comme l’a relevé Lolla Wesh dans son solo. Et tous les physiques de l’emploi sont admis, pourvu qu’ils valorisent ce qu’il faut côté lolos et bas du dos. Paradoxalement, la pin-up des années cinquante, qu’immortalisèrent photos, films dits « cochons », et dessins du grand Alberto Vargas et, chez nous, les couvertures du magazine Lui que signa de 1963 à 1981 Aslan, alias Alain Gourdon, a été récupérée par un discours récent, de tendance anar – disons anti-Darmanin, etc. pour faire vite – et féministe. Autrement dit, le « burlesque » et le « nouveau burlesque », malgré l’aspect rétro de l’expression, veut être légitimé et s’inscrire dans ce qu’il est convenu d’appeler : la contre-culture.
Les créatures qui se sont produites durant deux heures au Bataclan ne cèdent en rien aux canons de la beauté décrétés par Alain Bernardin, au sortir de la guerre et ont toutes des surnoms poétiques et amusants qui leur vont parfaitement… et rappellent ceux des girls du Crazy : Ella Styx, Eva la Vamp, Haydée, Kiki Béguin, La Machine, Lolaloo des Bois, Lolla Wesh, Lolita Laze, Louise de Ville, Mam’zelle Plum’ti, Miss Glitter Painkiller, Nini de l’Ėpine, Sucre d’orge, Tom de Montmartre, Vicomte de Harbourg, Maya Omaya et Valentina del Pearls.
Avec maquillages et coiffures parfois outrés, costumes recherchés, inspirés par l’Egypte ancienne, comme la magnifique parure d’Eva la Vamp en Cléopâtre, ou par l’âge baroque, le folklore (la fustanelle de Kiki Béguin dansant le sirtaki) et par les contes pour grands enfants. Hommes et femmes parés de plumes comme celles qui ont marqué l’âge d’or du music-hall, sèment des paillettes à tout vent au moindre prétexte. Les costumes sont des pièces de puzzle qui vont être détachées du corps pour mieux le glorifier. Un peu comme chez Leopoldo Fregoli (1867-1936), artiste italien ventriloque et musicien, réputé pour ses changements de costumes très rapides, jusqu’à cent dans le même spectacle.
Les corps, tatoués, sont juste protégés par des strings et cache-tétons. Dans une chorégraphie avec déhanchés, battements de gambettes mises à nu et gestes brusques faisant voleter tout effet superflu. L’humour qu’implique le mot burlesque (issu de l’espagnol : moqueur et de l’italien burla : « farce, plaisanterie ») et très en vogue au XVIIe siècle avec emploi de termes comiques parfois vulgaires pour évoquer des choses nobles et sérieuses est ici léger ou au contraire, d’un lourdingue parfaitement assumé. Louise de Ville marie comique et acrobatie. Miss Glitter Painkiller et Lolita Laze sont particulièrement sexy dans leurs parures, ou quand elles sont court vêtues. Et Nini de l’Ėpine mêle érotisme et politique, brocardant au passage la couronne britannique. Le tout sur une bande originale rock, pop, disco et techno…
Note de Valentina del Pearls :
La troupe du Cabaret burlesque compte certaines profs de danse diplômées (contemporain, modern-jazz, orientale…), des anciens danseurs classiques et même un ancien patineur artistique. Beaucoup ont débuté le burlesque avant son exposition sur les réseaux sociaux et YouTube. Les effeuilleuses utilisent souvent des pas et mouvements habituels de la discipline, comme le « shimmy-shake » ou le « bump’n’grind », des mouvements utilisés depuis les années 1940 environ.
– Article de Nicolas Villodre. Source : Théâtre du Blog.
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