Écriture et mise scène : Alice Laloy. Avec Éric Caruso, Stéphanie Farison et Marion Verstraeten. Dramaturgie et collaboration à l’écriture : Emmanuelle Destremeau. Musique : Éric Recordier. Scénographie : Jane Joyet. Lumières : Rémi Furrer. Costumes : Marion Schmid. Chorégraphie : Cécile Laloy. Accessoires : Benjamin Hautin, Alice Laloy et Anaïs Guenon. Direction technique : Sylvain Liagre. Régie générale et régie lumière : Théo Tisseuil. Régie plateau : Benjamin Hautin et Léonard Martin, en alternance avec Guillaume Leroy. Régie son : Lucas Chasseré. Conception et construction machineries : Davide Cornil et François-Xavier Thien. Construction du décor : Ateliers de la Ville de Genève. Avec la voix de Valérie Schwarcz. Création 2017.
L’esprit Dada imprègne la pièce de cette metteuse en scène qui avait créé un remarquable Pinocchio (live) au festival d’Avignon et Untitled, tohu-bohu débridé, au Théâtre Mouffetard où elle fut artiste associée. Alice Laloy s’interroge ici sur les traces de cette révolution artistique et veut explorer ce qu’il en reste, un siècle plus tard.
« Tzara a trouvé le mot Dada le 8 février 1916 à 6 heures du soir, dit Hans Arp, et j’étais présent avec mes douze enfants, quand Tzara a prononcé pour la première fois ce nom qui a déchaîné en nous un enthousiasme légitime. Cela se passait au Café de la Terrasse à Zurich et je portais une brioche dans la narine gauche. »
Ici, trois acteurs créent un lien actif avec le jeune public qui reçoit de petits messages, au hasard de jets de lance-pierre. Ils posent aussitôt la règle du jeu avec des formules à l’emporte-pièce, issues de ce mouvement artistique : « Nous allons manger Dada, qui mange Dada meurt, s’il n’est pas Dada. Dada est né dans le caca, dans le chaos. » Et les battements de tambour, harmonisés par Éric Recordier, accompagnent cette fronde selon les préceptes « négativistes » d’Hugo Ball et Richard Huelsenbeck en 1915 : « Nous ne nous occupons avec amusement, que de l’aujourd’hui. Nous voulons être des mystiques du détail, des taraudeurs et des clairvoyants, des anti-conceptionnistes et des râleurs littéraires. »
Dada est né sur les restes de la Première Guerre mondiale et ses créateurs espéraient faire table rase du vieux monde. Ici, les interprètes commencent par démolir de minces parois érigées sur le devant de la scène. « La métamorphose de l’espace devient la première structure du spectacle, dit la metteuse en scène. L’écriture est bâtie sur la progression des acteurs dans un décor évolutif. Au fur et à mesure, les parois seront repoussées, les frontières s’éloigneront. Se créent alors, de nouveaux territoires à investir. »
De ces ruines, les acteurs tirent objets et étranges mannequins. Et des machines bizarres, conçues par Davide Cornil et François-Xavier Thien, sillonnent le plateau, comme ces catapultes qui lancent des coulées d’encre sur une bâche ou des micros qui font entendre des textes lettristes. Puis « un grand jeu de rien » sera proposé aux enfants mais on n’y gagne rien et il ne sert à rien. Alice Laloy a fait le pari de semer le désordre sur un plateau face à un public aussi réactif. Mais elle maîtrise les codes et ne verse jamais dans l’incohérence, tout en s’autorisant toutes les fantaisies, libertés, folies et quelques petits gestes osés qui font bien rire : Éric Caruso retire son pantalon, Stéphanie Farison et Marion Verstraete se livrent à des contorsions clownesques. Et l’une ou l’autre parade, affublée d’une grande tête et d’une queue de cheval, « au galop au-dessus de la vie » (Dada est aussi le sobriquet de ce noble quadrupède).
La scénographe Jane Joyet a créé un espace qui s’ouvrira au fur et à mesure pour finir sur une galerie de tableaux académiques tous identiques (des natures mortes) qui se détachent des parois et se délitent comme par enchantement. Remplacés à la fin par des coupures de journaux collées sur le mur du fond qui formeront un immense puzzle coloré, où s’inscrit : « Dada est vivant. » De quoi offrir des idées aux jeunes spectateurs : « Prenez un journal, prenez des ciseaux, découper des mots, mettez-les dans un grand sac et, piochés au hasard, ils composeront un poème qui vous ressemble. » À travers un chaos d’inventions sonores et visuelles, Ça Dada est en accord avec la tendance naturelle des enfants à utiliser tout ce qui est à leur portée pour créer avec ciseaux, marteau, peinture, colle… Ici, ils participent avec fougue à un réjouissant tintamarre.
S’Appelle Reviens, compagnie créée en 2002 par Alice Laloy est installée depuis janvier à Dunkerque. Elle prépare avec des jeunes de cette ville pour septembre prochain une nouvelle version de Pinocchio (live) qui sera présentée au Festival mondial de marionnettes à Charleville-Mézières, puis en tournée. Suivra Le Ring de Katharsy 1.0, « récit dystopique grand format où se jouent à nouveau les limites du réel et du vivant » créé au Théâtre de Gennevilliers, dans le cadre du Festival d’automne 2024.
– Article de Mireille Davidovici. Source : Théâtre du Blog.
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