Spectacle de fin d’études de la 36ème promotion de l’école du Centre National des Arts du Cirque.
Mis en scène : Martin Palisse et David Gauchard. Musique originale : Pangar. Collaboration artistique : Stefan Kinsman. Scénographie : Martin Palisse. Collaboration à l’acrobatie : Dolores Calvi et Adbel Senhadji. Conception lumière : Alix Veillon et Jean Ceunebroucke. Conception et réalisation costumes : Leonor Gellibert et Darius Grenier. Mise en espace sonore et régie Son : Théo Armengol. Régie lumière : Vincent Griffaut ou Thibaut Paris. Régie générale : Julien Mugica. Avec : Jaouad Boukhliq (Équilibres), Heather Colahan-Losh (Corde lisse), Antonin Cucinotta (Mât chinois), Uma Pastor (Mât chinois), Marine Robquin (Acrobatie au sol), Mano Vos (Roue Cyr).
Commençons par la fin : les six garçons et filles ont reçu solennellement leur diplôme, à l’ancienne : en papier, avec une rose sous cellophane : c’était la première de leur spectacle. Un peu gauches, souriants, ils l’ont reçu avec fierté, nourris de toute une culture que cette formation leur a fait découvrir au-delà de leurs envies d’exploits. Les mêmes venaient de nous offrir un spectacle plutôt sombre, haletant et s’ouvrant progressivement de la nuit, vers la lumière. Cela commence dans une quasi-obscurité, trouée d’éclats de lampes rouges. Peu à peu, on devine des silhouettes humaines, des mouvements et de petites courses furtives. Chacun commence à défier un objet, un mât chinois, une corde lisse, une roue Cyr, tout en prenant le temps de la danse, de l’échange… Un garçon jongle d’une façon totalement inédite avec une roue, qu’une fille reprendra plus tard pour des performances plus identifiées. Acrobates au sol ou sur agrès, ils jouent à deux ou seuls, dans une parfaite fluidité. Ici, pas d’exploit mais la grâce. Même leurs camarades des autres promotions venus les soutenir ont retenu leur souffle, tant leur travail est intégré à la danse, à un récit muet qui ne s’interrompt pas. Il faudra attendre la fin pour que les applaudissements aient leur place.
Martin Palisse (mise en piste) et David Gauchard, metteur en scène obsédé par Shakespeare, ont sans doute écouté l’inquiétude de ces jeunes gens, leur appréhension d’un monde tourmenté. Le spectacle commence lentement et peu à peu les corps se libèrent, en même temps que les envies de surmonter le pessimisme et de vivre, avant tout. On pourra reprocher à la musique pesante et répétitive de Pangar, échos des bombardements qui assombrissent le monde actuel, d’alourdir à l’excès le début du spectacle. Mais elle donne le rythme à cette danse, entrecoupée par les moments de marche détendue, jusqu’à la transe parfois, où se glisse très naturellement la performance, la grâce aérienne.
Ces circassiens partagent avec les groupes de jeunes comédiens sortant de leurs écoles, le sens et le goût du collectif et le dégoût de l’hypersexualisation des filles, l’un des marqueurs du cirque à l’ancienne. Saluons au passage le « nouveau cirque » (pas si jeune) qui s’est attaqué depuis longtemps à la question. Filles et garçons (gardons l’ordre alphabétique) portent des costumes semblables et fonctionnels, des tenues de travail redécoupées, réinventées en couleur sobre, noir, gris, blanc cassé, qui suivent et servent les corps en action. Quatre ans de formation : les élèves auront appris beaucoup de choses : maîtriser et sublimer leur énergie, comprendre ce qu’est une piste et un plateau. Celui-ci, sur la piste du Cirque historique de Châlons-en-Champagne, est en forme de théâtre grec : un demi-cercle outrepassé. Cela a du sens, et reflète l’ambition du cirque d’aujourd’hui d’aller au-delà du divertissement, de refléter quelque chose des angoisses et des espoirs du monde tel qu’il est.
Voilà : ils ont un vrai métier, reconnu. Le hasard du calendrier fait que nous avons assisté le lendemain à la présentation du dispositif FoRTE en Région Île-de-France : sont attribuées à de jeunes artistes sélectionnés par un jury exigeant, des bourses de création substantielles et un accompagnement par une institution. Une aide sérieuse, efficace pour une première réalisation professionnelle, en musique, cinéma, théâtre, cirque, arts visuels… Parmi les créations des heureux élus venus en présenter un extrait : Au commencement était la chute des jeunes circassiens Guilhem Charrier et Jules Houdin, formés au CNAC de Châlons-en-Champagne. Chutes et rebondissements, lutte et portés à deux, figures époustouflantes et totalement inédites. Ces anciens de l’école entrent en pleine lumière dans le métier de leur art…
À lire :
Article de Christine Friedel. Source : Théâtre du Blog. Crédits photos – Documents – Copyrights avec autorisation : © Christophe Raynaud de Lage / CNAC. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants droit, et dans ce cas seraient retirés.