Opéra en un prologue et trois actes. Musique de Claudio Monteverdi, Francesco Cavalli, Francesco Sacrati, Francesco Manelli et Benedetto Ferrari. Livret de Giovanni Francesco Busenello. Direction musicale de Rinaldo Alessandrini. Mise en scène de Robert Wilson.
C’est un opéra que le grand Klaus-Michael Grüber et Marc Minkoswski avaient monté en 1999 au Festival d’Aix-en-Provence. Opéra des plus intéressants, puisque le livret intelligent avec de formidables dialogues bien écrits par Busenello, traite de faits historiques et non mythologiques comme c’était la règle à l’époque. C’est l’histoire d’un tsunami de passions amoureuses croisées.
Othon, le bel amant de Poppée comprend vite qu’elle fait aussi l’amour avec l’empereur Néron. Son épouse Octavie, elle est accablée par la jalousie ; Arnalta, sa vieille nounou, lui conseille cyniquement, en femme experte, de se trouver un amant et le philosophe Sénèque essaye de la consoler mais de façon assez maladroite. Là-dessus, la déesse Athéna prédit à Sénèque une mort prochaine, lequel reçoit la visite de Néron qui lui confie son projet de répudier Octavie pour épouser Poppée. Mais Sénèque le met en garde, ce qui provoque la colère de l’empereur qui donne l’ordre de faire mourir le philosophe… De son côté, (vous suivez toujours ?), Othon reproche son attitude à Poppée qui lui déclare cyniquement qu’il n’a pas su se faire aimer et Othon, dont la belle et jeune Drusilla est toujours amoureuse, veut faire tuer Poppée. Un envoyé de Néron annonce à Sénèque l’ordre impérial de se donner la mort, ce qui lui semble indifférent : comme il le dit à ses amis, la mort est une délivrance. Néron est enfin heureux, et Othon accepte d’avoir perdu Poppée mais Octavie rappelle à Othon qu’il l’a humiliée en la laissant tomber pour Poppée et lui demande de la tuer, sinon elle le menace de tout révéler à Néron.
Othon obéit et s’approchera de Poppée habillée en femme. Quant à Drusilla, la rivale de Poppée, elle est toute heureuse d’avoir retrouvé Othon à qui elle prêtera ses vêtements… Mais encore amoureux, il renonce à son crime. Drusilla, elle, pour avoir aidé Othon, est condamnée à mort sous la torture par Néron. Othon s’accusera alors pour la sauver… Néron touché par cette générosité, sauve alors Drusilla, en l’envoyant en exil avec Othon. Néron pourra donc enfin vivre avec sa Poppée chérie, Octavie quittera Rome, et Arnalta la vieille nounou, d’esclave, deviendra grande dame. Bref, l’amour, l’ambition et le cynisme sur fond de sexe et de passion amoureuse, font bon ménage ; ce n’est sans doute pas très moral mais les bons scénarios ne sont jamais très moraux…
Côté mise en scène, c’est toujours la même grande virtuosité. Bob Wilson a une passion pour l’opéra (Phill Glass bien sûr mais aussi Mozart, Wagner, Puccini, Debussy qu’il a souvent montés, et dont il n’a cessé de se rapprocher depuis son mythique Regard du sourd, et il possède une maîtrise absolue du plateau. Que ce soit pour la direction de jeu des chanteurs, le moindre geste est précis et efficace. La mise en scène de Bob Wilson, loin, comme d’habitude, de tout réalisme et de toute psychologie, possède une incomparable unité. Visiblement influencé par le théâtre nô japonais, le jeu très gestuel, avec parfois des déhanchements étonnants, est le plus souvent face public, dans le hiératisme d’une lenteur revendiquée et où la musique, comme le chant, caractérisent chacun des personnages.
La distribution sur le plan du jeu est de bonne tenue, même si Néron (Jeremy Ovenden) et Poppée (Karine Deshayes semblent un peu effacés. Côté scénographie, on retrouve nombre d’éléments qui appartiennent à la syntaxe du maître depuis des décennies comme, par exemple, cet arbre déraciné pendu depuis les cintres, que l’on avait vu dans La Lettre à la reine Victoria, ou ces trois étroites portes dans plusieurs autres de ses spectacles. Et les visages au maquillage blanc, et la bouche, les yeux et les sourcils dessinés en noir, comme souvent chez Bob Wilson… Et il y a toujours ces lumières virtuoses, le plus souvent pastel, qui se transforment en un clin d’œil, notamment en fond de scène et qui sont devenues un peu comme la signature de Wilson. Et les costumes d’inspiration Renaissance avec de magnifiques robes longues en soie, des fraises en gaze et dentelle très raides, et des pourpoints noirs serrés à la taille, sont d’une grande beauté !
Côté musique, l’orchestre de cordes n’a pas une relation des plus formidables avec les chanteurs, comme s’il était un peu coupé de la scène, d’autant plus qu’il y a une série de tubes fluo éblouissants, très blancs, au bas du rideau de scène. Et l’emprise esthétique du vocabulaire wilsonien est telle que l’on ne sent pas beaucoup l’intensité dramatique du thème traité par Busenello ; n’importe, tout est d’une telle qualité picturale qu’on a une autre émotion. Et on a l’impression de partager un moment exceptionnel, même si on aimerait bien que le public soit plus jeune ! C’est vraiment dommage mais, au prix des places correctes (environ 50 à 70 €), il ne faut pas rêver…
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