Comment êtes-vous entrée dans la magie ? A quand remonte votre premier déclic ?
Je suis rentrée dans la magie dès 1 mois. Je m’explique ! Mon père, passionné invétéré a toujours essayé de communiquer à son entourage la « passion » sous toutes ses formes. Quoi que ce soit. La magie n’étant qu’un outil pour exprimer les vraies choses qui nous constituent.
J’ai donc baigné, non pas dans la magie, mais dans l’enthousiasme de vibrer pour différents jeux, amusements, films, musiques.
Ceci étant dit mon premier vrai déclic fut en 1988 (à l’âge de 15 ans), à La FISM à La Haye. Mon père étant engagé à ce congrès, il m’emmena. Quelle bonne idée il eut ! Grâce à ce voyage, je découvris un Art tellement vaste.
Je vis mon père devant un parterre de 700 magiciens dans une salle en amphi, où il fit sa routine de gobelets. Le public devint totalement fou devant la production du 4ème gobelet. Ma mère traduisant (je voyais avant l’heure une configuration qui deviendra familière par la suite).
Une espèce de grande joute sur 1500 personnes pour une seule et même passion : la Magie ! Formidable sensation d’avoir pendant toute une semaine tout le monde sur le même bateau et donc sur la même longueur d’ondes. C’est ça la Magie :
Les concours, les shows, les conférences et surtout les « couloirs » : terrain de jeu à la taille d’un palais des congrès pour des enfants de tous âges.
Ricky Jay et Jeff McBride qui font un concours de lancer de cartes dans un coin, Kevin James qui apparaît dans un autre avec sa rose en main, Goshman sur son stand, Johnny Lonn que je rencontre en vrai, Vito Lupo et son mime magique et tellement d’autres souvenirs.
Et puis, il y a eu Lisa Menna, la seule femme de ce congrès (en tout cas c’est ce qui me reste dans ma mémoire de jeune fille). Elle faisait des changements de costumes mais en close-up. Inédit, féminin, très fort et unique. Je réalisais donc que je pouvais avoir une place dans ce milieu, n’ayons pas peur des mots, fortement masculin.
Voilà c’est donc cette année-là que je pris la décision de devenir magicienne, quand je compris que la Magie était un Art qui pouvait regrouper tout un tas d’autres Arts.
Quand avez-vous franchi le premier pas et comment avez-vous appris ?
Dès 1988, je commence à travailler seule avec le 2001 (en livre) de mon père. Je galère dans mon coin devant ces phrases que je ne comprends pas du tout. Je déchiffre, je lis et relis pendant des heures jusqu’à avoir l’éclair pour saisir deux mots simples qui, pris séparément, ne posent aucun problème, mais mis ensemble deviennent incompréhensibles : Double coupe !
Parce qu’il faut savoir que mon père ne m’a JAMAIS mâché le travail. Et encore moins induit d’une façon ou d’une autre d’être magicienne. Il a fallu que je fasse comme tout le monde : que je bosse. Ce fut la meilleure école.
Je travaille donc sur cet opuscule, puis mon paternel voyant que je suis accrochée, me donne des vidéos de grands tels que Jennings, Dingle, Elmsley, Charlie Miller, Williamson, Steve Beam, et d’autre. Je regarde Fred Kaps et me délecte de sa gestuelle impeccable, quelle inspiration, quelle leçon surtout !
Puis je suis partie dans le table en table. Très bonne école. C’est très formateur d’approcher une table d’inconnus avec des tours que vous avez répétés des dizaines de fois devant votre miroir et ensuite de voir les réactions des spectateurs.
On apprend la maîtrise de soi, du trac, du verbe, de son environnement, de savoir comment faire face à différentes situations, de l’improvisation, de la technique, des pauses, de l’Art du bon mot au bon moment (et pas 20 minutes après quand vous avez eu le temps d’incuber). Une école fabuleuse en somme.
Quelles sont les personnes ou les opportunités qui vous ont aidé. A l’inverse, un évènement vous a-il freiné ?
Bien sûr, la personne principale a été et reste mon père… n’en déplaise à certains ! Mais nous avons réussi à nous réaliser séparément puis en duo. Notre collaboration est un vrai bonheur, nous partageons la même vision de la magie et de l’Entertainment. Bref, nous avons la chance de bien nous entendre.
A part lui, il y en a eu plein d’autres heureusement ! Ma mère par sa patience et le respect de mes choix m’a permis de me réaliser telle que je suis aujourd’hui. Mon ami Quoc-Tien par ses conseils et ses fabrications méticuleuses m’a apporté de vraies opportunités créatrices.
Des amis comme Claude Rix, Richard Ross, Michael Weber, Vito Lupo, Lisa Menna m’ont permis de prendre confiance en moi, ils m’ont prodigué des conseils précieux qui font partie de moi.
Ce qui aurait pu me freiner, c’est sans nul doute mon nom de famille. Les gens attendent plus lorsqu’il s’agit d’une femme et ENCORE plus quand on porte le nom de Duvivier ! Mais cela fut une bonne école, un peu dure ; mais la vie est dure. Alors que fallait-il faire ? Arrêter avant d’avoir commencé ou travailler plus que les autres ? Je vous laisse deviner la réponse.
Photo : Cécile Debise.
Dans quelles conditions travaillez-vous ?
Un peu toutes : du table en table. Beaucoup de spectacles pour enfants. Un peu de scène pour des présentations de galas. Du salon pour les entreprises. Evidemment au Double Fond tous les samedis soirs plus des spectacles lorsque nous privatisons notre lieu pour des entreprises ou des particuliers.
Bien sûr nos spectacles en duo (De très près) avec mon père les vendredis au Double Fond. C’est un lieu où l’on peut s’exprimer dans les meilleures conditions qui soient. C’est une grande chance de l’avoir.
Je travaille un peu pour le cinéma en faisant des doublages mains (comme pour Le Pacte des Loups où je double Monica Bellucci), ou aussi pour des coachings magiques. Pour des pubs où des mains « agiles » sont demandées.
Beaucoup de créations d’effets et de spectacles avec Dominique.
Quelles sont les prestations de magiciens qui vous ont marquées ?
David Williamson, grand parmi les grands. Max Maven, David Roth, Eugene Burger, Ali Bongo, Gary Kurtz au Mayette Days en 1995 (première prestation de mentalisme pour ce magicien hyper doué). Celle de Vito Lupo sur scène seul en Pierrot, puis son autre numéro de scène où chaque geste est un effet. C’est beau, c’est chorégraphié à merveille, c’est un clip mais en vrai.
J’aime beaucoup aussi le premier numéro de Kenji Minemura, très stylé. Richard Sanders est un touche-à-tout de génie. Vous avez vu sa version de l’effet vieux comme le monde des papiers blancs qui se changent en vrais billets ? Si nous étions de vrais magiciens, nous ferions comme Richard. Quel esprit !
Je trouve que Topas a beaucoup d’idées nouvelles pour faire des choses qui sortent de l’ordinaire sur scène.
Les changements de costumes de Sos et Victoria me laissent rêveuse. Le rêve de toutes les femmes.
Si vous n’avez pas vu le numéro de pure poésie de Danny Cole, je vous conseille de lâcher tout autre activité futile et d’aller voir cette merveille. J’adore Karell Fox. C’est une espèce de Bloom avant l’heure.
Quels sont les styles de magie qui vous attirent ?
Tous les styles, du moment que c’est fait avec passion, talent, créativité, sérieux et esthétisme.
Citez un ou deux tours qui vous viennent à l´esprit comme les plus beaux à regarder, puis les plus beaux à pratiquer.
J’adooooooooooooore les Matrix. Quel bel effet, c’est vraiment magique. Il en existe tant de versions. J’adore cette simplicité d’effet, c’est tellement visuel et tellement intelligent. Ça me fait un peu la même chose pour le 3 Fly. Quelle pureté dans le tour de Bob Kohler. D’autres versions sont très belles aussi, mais j’ai un faible pour celle de Bob. Cet effet est purement magique.
Quel conseil. Quel chemin conseiller à un magicien débutant ?
Deux conseils : « Persévérance » et « Savoir s’entourer ».
Je m’explique : il faut dans la magie comme en toute chose de la persévérance, autrement on ne va pas au bout de ses propres projets. L’entourage joue un rôle capital dans cette qualité qu’il faut cultiver. Si vos proches ne comprennent pas et ne respectent pas vos envies, ils pourraient vous détourner de votre voie (quelle qu’elle soit). S’ils vous aiment, ils pourront comprendre cet « acharnement » que vous mettrez à faire 500 fois une levée double !
Mais de toute façon, tout cela n’est que du « bla bla », car il faut avoir foi en soi et en ses passions.
Le seul vrai chemin, c’est celui de la vie. Apprenons à vivre avec notre voisin. Oui il est différent, encore heureux. Nous avons la chance de partager des connaissances pour obtenir des gens un sourire, un rire, une étincelle dans le regard de notre interlocuteur. C’est le plus beau métier du monde. Alors soyons dignes de nos spectateurs et travaillons sans relâche pour montrer que la Magie c’est BEAU ! (Il faut savoir que « beau » est le premier mot de mon fils, alors je le place dans toutes les phrases possibles).
Quel regard portez-vous sur la magie actuelle ?
La magie bouge, évolue, puis stagne et repart, comme le monde qui nous entoure.
Quelle est l´importance de la culture dans l´approche de la magie ?
Si vous ne savez pas parler au gens, ils ne vous écouteront pas.
Si nous ne savons pas nous adapter aux différents publics que nous côtoyons, c’est la mort du magicien !
La culture, qu’elle soit magique ou générale, fait de vous ce que vous êtes. Votre culture vous constitue et vous caractérise. Alors si vous voulez avoir une « approche », cultivez-vous vous-même. C’est vous qui êtes important.
Vos hobbies en dehors de la magie ?
Tout !
Regarder les nuages par un bel après-midi d’été. Lire, passer du temps avec ma famille, jouer, regarder des films (tellement inspirant et motivant pour dire de nouvelles choses en magie), écouter de la musique, rêver, jouer, discuter avec les gens que j’apprécie, jouer ! Brainstormer, RANGER (j’adore ranger, organiser, supputer…), me promener, faire du shopping (normal je suis une fille), jouer ! Etre avec mon mari (Cédric) et notre fils, jouer avec lui. Parler magie avec Cédric (nous avons la chance de partager la même passion, alors on s’en donne à cœur joie), rigoler avec lui, avec mes amis, avec ma famille, avec les gens que je rencontre et bien sûr avec mon fils. Jouer avec mes chiens, essayer de trouver de nouveaux tours, regarder des dessins animés, aller à la piscine, faire du Pilates, regarder mes tiroirs de tours et voir ce que je pourrais faire avec. Et enfin jouer !
Petit message personnel :
Merci à ceux qui ont pris la peine de me lire.
Et pour la route de la vie voici quelques citations que j’aime à relire de temps en temps de Dominique Glocheux :
« Le bonheur n’est pas d’obtenir ce que vous voulez, mais de vouloir ce que vous avez déjà. Et que vous oubliez de savourer. »
« Attendez-vous à un miracle. Et regardez-le venir. Bâtir des images de succès et de réussite déclenche des forces dont on saisit bien rarement la portée exacte. »
« Dépêchez-vous. Dépêchez-vous de vous arrêter. Pour déguster chaque tranche de votre vie. Bien des gens ne rencontrent jamais le bonheur, non pas parce qu’ils ne l’ont pas trouvé, mais parce qu’ils ne se sont pas arrêtés pour le savourer. Dépêchez-vous de vous arrêter. »
– Interview réalisée en août 2010.
A voir :
– Alexandra Duvivier – Winner Circle #1.
– Alexandra Duvivier – Winner Circle #2.
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