Est-ce que vous pouvez nous parler de votre première rencontre avec la magie ?
Abdul Alafrez – C’est de mon père que je tiens les premières choses que j’ai apprises, des vraies techniques comme le glissage, le forçage classique, le saut de coupe, l’empalmage. J’avais juste onze ans et j’avais dû patienter d’avoir cet âge pour que mon père tienne la promesse de me montrer ces choses qu’il faisait très bien. J’ai ensuite appris en lisant des livres : d’abord les Tours de cartes sans appareils de Barbaud, puis La technique moderne aux cartes de Hugard et Braué. La chose était lancée, mais c’est bien des années plus tard que j’ai compris la richesse et la subtilité de la magie, la manière de penser décalée qu’elle offrait et qui me séduisait. C’est expliqué dans le chapitre « Circonstances » qu’on trouve à la fin de notre livre, je donne tous les détails sur mon apprentissage, mes lectures, mes rencontres. Mais comme Alain, lui, ne raconte rien de son parcours dans le livre, je le laisse répondre à son tour.
Alain Poussard – En ce qui me concerne, rien de très original. Mon premier contact avec la magie, c’est un spectacle auquel j’ai assisté au théâtre du musée Grévin, j’avais huit ou neuf ans. J’en ai un souvenir très net, même si après coup je n’ai jamais pu exactement identifier le magicien qui officiait ce jour-là. Puis comme beaucoup de gosses de mon âge, j’ai fréquenté la boutique Mayette, mais je restais enfermé dans une idée simpliste de la magie, dans la logique du « truc », du gimmick ou du fake. Je possédais donc quelques bricoles, mais j’en faisais un usage vraiment pauvre. Et ce n’est que beaucoup plus tard, au tournant de la quarantaine, que j’ai commencé à comprendre que je n’avais rien compris. Il m’a suffi pour cela de quelques cours à l’Académie de Magie où j’ai reçu l’enseignement de Pierre Switon, de Sylvain Solustri, d’Yves Carbonnier et de quelques autres. C’est là que j’ai appris à aborder vraiment la magie pour ce qu’elle est. Et dans le même temps, j’ai suivi le cursus habituel pour accéder à l’AFAP, notamment sous la houlette de Frank Debouck qui à l’époque assurait l’enseignement de première année et qui invitait pour chaque cours un magicien de renom.
Parlez-nous de votre carrière professionnelle et surtout de votre évolution dans l’art magique.
Alain Poussard – Pour ma part, ça va être court : je n’ai jamais été qu’amateur, et donc il n’y a jamais eu de « carrière » … Je laisse parler le « professionnel » …
Alafrez – Alain vient de botter en touche ! Mais je le relancerai dans un instant, car il a quand même des choses à dire… De mon côté, j’ai aussi bien fait du close-up que de la scène ou des effets spéciaux. Et j’ai pratiqué toutes les configurations possibles, comme interprète, comme concepteur, en solo ou à plusieurs, avec d’autres magiciens, avec des musiciens, des danseurs, des comédiens. Dans le chapitre final du livre, tous ces aspects « biographiques » sont abordés. Mais pour ce qui concerne l’essentiel du livre que nous publions, c’est un versant assez particulier de mon parcours qu’il faut mettre au centre : la conception d’illusions et d’effets spéciaux pour des contextes qui s’écartent du cadre traditionnel du numéro de magie. C’est cet aspect de mon travail qui est l’objet principal du livre : la magie sur toutes les scènes qui ne sont pas sa scène habituelle : la scène de théâtre bien sûr, mais aussi les plateaux de ballets, d’opéra, les scènes de concert, et même des lieux qui ne s’apparentent pas au dispositif du spectacle au sens étroit, les expositions par exemple, ou les expériences immersives. La question qui parcourt le livre est donc : comment le magicien que je suis s’y prend-il pour inscrire sa discipline dans un collectif qui le déborde ? Comment l’effet peut-il être conçu et interprété afin qu’il s’insère dans un dispositif qui n’est pas habituel, qui n’est plus celui du music-hall ou du cabaret ? C’est sur ce terrain que, depuis 50 ans, j’ai une expérience qui peut intéresser le lecteur. Elle peut l’inciter à réfléchir sur la position du magicien, ses présupposés, et les raisons de faire bouger cette position. Et c’est aussi pourquoi le regard et la contribution d’Alain m’ont aidé à parler de cela, parce qu’il est « professionnel » lui aussi, mais dans un tout autre domaine…
Alain Poussard – Je ne sais pas si le mot « professionnel » convient. Mais je vois ce que tu veux me faire dire : il se trouve que j’enseigne la philosophie (ça, c’est mon métier !) Or dès mes premiers vrais contacts avec la magie, il m’a paru évident qu’il y avait matière à une collaboration entre pratique de la prestidigitation et élaboration théorique. Je m’y efforce depuis quelques temps, dans les limites de mes modestes moyens. Je cherche donc d’abord à comprendre pourquoi une discipline aussi riche et subtile que la prestidigitation a été si délaissée par les « gens du concept ». Et à l’occasion, je me risque à dire deux ou trois petites choses qui me semblent se prêter à une élaboration théorique. C’est donc parce que nous avons souvent discuté de ces choses, Abdul et moi, que nous est venue l’idée de travailler ensemble, et notamment à ce livre.
Vous venez donc de répondre à la question que j’allais vous poser. Mais je la pose quand même : comment l’un et l’autre avez-vous intégré le projet de ce livre ? Et quelle a été votre contribution respective ?
Alafrez – Au départ et depuis longtemps, Georges Proust souhaitait publier un livre technique qui contiendrait la description des effets originaux que j’ai conçus. J’étais d’accord, bien sûr, mais cela demandait beaucoup de recherches, puisque parmi les effets qu’on trouve dans le livre, certains sont anciens, il fallait que je retrouve mes plans de l’époque, les projets, tous les documents de travail, des photos de plateau, les animations 3D que j’avais élaborées, etc. Cela faisait beaucoup de matière à collecter et de souvenirs à mobiliser ! Il fallait aussi rendre tout ce matériel homogène dans sa présentation graphique. Et puis surtout, mon idée était qu’il ne fallait pas livrer des descriptions « brutes », comme une succession de planches sans mise en contexte. Mon souci était de faire comprendre ma manière de travailler, mes doutes, ma perplexité, les solutions envisagées et finalement abandonnées, afin qu’on puisse saisir à chaque fois le cheminement, les différentes phases du travail, et aussi les exigences concurrentes qui étaient à l’œuvre, qu’il s’agisse d’exigences esthétiques ou techniques. Bref, je voulais qu’on aille au-delà du « truc », qu’on suive l’élaboration progressive et qu’on comprenne le processus qui va des premières idées jusqu’à la réalisation définitive. Or pour conjuguer et articuler ces deux aspects, une façon de penser et de travailler et les réalisations qui en ont résulté, il fallait trouver une forme. Et comme Alain voulait pour sa part écrire sur mon travail, nous avons réunis nos envies.
Alain Poussard – Il faut dire que nous avions eu l’occasion de goûter à cette écriture en commun puisque pendant le confinement, nous avions composé à quatre mains un entretien destiné à être publié dans les Actes d’un colloque qui s’était tenu à Toulouse en 2020, à l’invitation de Frédéric Tabet notamment. Dans la préparation de ce colloque comme dans l’écriture qui s’en est suivie, j’ai bien vu qu’Abdul avait des tas de choses nouvelles à dire, qu’il avait envie de les dire, et que moi j’avais envie de les entendre et de les restituer. Déjà, il s’agissait de mettre au jour ce qui dépasse la simple explication des effets, et qui est en réalité la véritable explication, ou du moins l’explication complète, en relief pour ainsi dire. Cette première expérience nous a mis le pied à l’étrier et nous avons commencé à écrire ce livre. Le travail s’est tout naturellement réparti : je retranscrivais les entretiens que nous avions au fil des semaines, et Abdul de son côté concevait et rédigeait ses « descriptions », avec plans, schémas et photos. Assez vite, nous avons constaté que ces deux formes se croisaient et se répondaient. C’est par exemple après avoir lu telle description écrite par Abdul que certaines questions s’imposaient à moi lors des entretiens. Et inversement, les propos que nous avions échangés ont pu suggérer à Abdul un certain angle d’attaque dans la rédaction de telle description. Ce qui fait qu’à l’arrivée, ces deux formes ont fonctionné en écho et se sont enrichies mutuellement. Je trouve que le résultat est vraiment intéressant pour les magiciens, mais aussi pour les gens de théâtre ou du spectacle en général : scénographes, metteurs en scène, techniciens, chorégraphes, concepteurs d’expositions, etc. Il y a de quoi combler ceux qui veulent des explications relatives à tel ou tel effet autant que ceux qui s’interrogent sur la forme et les attendus de l’illusion en général, sa conception, ses présupposés, sa signification. Quant à moi, je suis très heureux d’avoir découvert des choses que je soupçonnais à peine lorsque nous avons commencé à écrire. Mon seul souhait : que le lecteur fasse l’expérience que j’ai faite avec le même enthousiasme !
Quelles sont ces choses que vous ne soupçonniez pas ?
Alain Poussard – Je ne voudrais pas déflorer le contenu du livre. Mais en deux mots, ce qui m’a le plus séduit c’est ce qu’Abdul explique sur « le discours de la preuve », sur « le dispositif optique », mais aussi sur ce qu’il nomme la « magie transparente ». Et en fond sonore si j’ose dire, comme la « bande son » du livre, l’importance que prend chez lui la musique dans sa manière de penser et de vivre sa pratique, ce qui est un vrai paradoxe puisque la musique n’a rien de visuel. Mais je vais laisser Abdul répondre.
Alafrez – Pour prendre un exemple, ce que j’ai nommé « le discours de la preuve » consiste à montrer à quel point les présupposés sont différents, pour une même illusion, selon qu’elle est donnée à voir dans une séance de magie ou dans un autre cadre, théâtral par exemple. Pour expliquer cette différence, je fais un détour par les effets spéciaux au cinéma, qui dans leur méthode n’ont rien à voir avec la pratique du magicien, mais qui dans leurs présupposés sont très proches de ce qu’un magicien peut être amené à faire quand il n’est plus dans son cadre habituel. Ce que j’appelle « la preuve », c’est le besoin légitime qu’on a en magie de « démontrer » que les solutions auxquelles le public pourrait penser sont fausses (comme de compter les anneaux un à un pour montrer qu’ils sont « libres », ou de promener un cerceau autour d’un corps en lévitation). Mais dans les contextes où je me situe, cet impératif de « la preuve » ne vaut plus, il est levé, en partie du moins, et cela change tout, dans la réception de l’effet bien sûr, mais aussi dans les méthodes mises en œuvre. Cela, je l’explique très en détail, par des exemples précis, et on en voit très bien l’écho dans les illusions que je décris par ailleurs. On voit là comment une discipline (la magie) est modifiée par son contact avec d’autres (le théâtre, la danse etc.) Et pour ma part, je pense que ce décentrage de la perspective est fructueux pour la magie en tant que telle, y compris dans son contexte habituel. On peut y voir une invitation à modifier ce contexte à la marge, à jouer sur les échanges entre les disciplines et les pratiques. Ce qui rejoint ce que dit Gabi Pareras sur « la magie fictionnelle ». Et ce que je nomme « la magie transparente » va un peu dans ce sens : c’est une magie dans laquelle la question du secret est mise au second plan, et c’est même une magie sans magicien, sans interprète, ce qui modifie l’expérience du spectateur qui ne peut plus se décharger de son malaise en l’imputant à celui qui l’aurait trompé. Cela relève de la magie « hors scène », à laquelle un gros chapitre est consacré. Quant au « dispositif optique », c’est un peu long à expliquer…
Alain Poussard – C’est dommage de ne pas en parler, parce que c’est l’un des éléments les plus passionnants, et je pense que la distinction que tu fais entre le « dispositif optique » et le « dispositif physique » peut aider tout magicien à aborder une illusion quelconque, y compris en magie de salon ou de close-up. Cela donne des perspectives qui ouvrent des horizons, dans ce dosage entre les deux dispositifs selon les contextes et selon les effets.
Alafrez – Oui, c’est quelque chose que je suis parvenu à identifier et à formuler assez nettement après l’avoir expérimenté de façon intuitive à mes débuts. Mais encore une fois, c’est un vaste sujet. Je préfère signaler au futur lecteur un autre aspect, qui a du reste à voir avec la question « optique ». Il s’agit du très gros chapitre qui est consacré aux miroirs : les miroirs opaques et les miroirs sans tain. Je donne là l’exposé de certains principes géométriques qui feront gagner beaucoup de temps aux lecteurs intéressés, sur des aspects que chacun pourra assimiler et mettre en œuvre. Je ne pense pas que ce que je dis dans ce chapitre ait d’équivalent à l’adresse des magiciens ou des gens du spectacle en général. C’est une vraie boîte à outils, qui servira même à ceux qui n’envisagent pas d’utiliser des miroirs. C’est paradoxal, mais il ne faut jamais oublier que l’illusion loge dans le spectateur et que c’est souvent à partir de l’œil du spectateur que se conçoivent les effets. Et cette question est d’autant plus déterminante qu’il y a une pluralité de points de vue, c’est-à-dire autant d’yeux qu’il y a de places dans la salle. Toutes ces choses, je les ai éprouvées depuis des décennies, et le but du livre est aussi d’être utile à ceux qui suivront, qu’ils fassent de la scène ou non.
Quelles difficultés avez-vous rencontré dans l’élaboration de ce livre ?
Alafrez – L’une des difficultés principales était de trouver comment rendre claires et compréhensibles des choses qui sont en réalité assez complexes. Il a fallu s’y reprendre à plusieurs fois dans certaines descriptions afin de trouver le bon angle d’attaque, qui puisse à la fois satisfaire le novice et contenter le connaisseur qui a déjà en tête l’histoire des méthodes et qui attend de voir quelle solution nouvelle a été imaginée. J’espère y être arrivé, j’ai cherché à ce que la lecture des descriptions soit fluide et que les schémas explicatifs permettent de bien décomposer les étapes du déroulement d’une illusion. L’autre difficulté a été de formaliser des choses qui, dans la réalité de ma pratique, sont assez mouvantes. Il fallait à la fois rendre compte des impératifs particuliers de telle ou telle mise en scène ou de telle contrainte technique et faire émerger certains principes qui se dégagent de la pratique, afin qu’ils puissent être compris et assimilés par le lecteur.
Alain Poussard – Je dois dire que mon incompétence technique et mon manque d’érudition quant à l’histoire des effets a joué un rôle bénéfique, puisque cela m’a donné le moyen d’identifier ce qui, dans les descriptions écrites par Abdul, me passait au-dessus de la tête. J’ai joué le rôle du candide (je n’avais pas d’ailleurs à le « jouer »…). Et cela a incité Abdul à clarifier les choses, à dire de manière limpide ce qui est techniquement complexe. Je me suis donc mis par avance à la place d’un lecteur qui n’a pas les compétences techniques et historiques qui sont celles d’Abdul. Et je crois que le résultat est vraiment probant : un livre qui nourrira le technicien déjà aguerri autant que le lecteur « profane ».
De quelle illusion êtes-vous le plus fier ?
Alafrez – J’en retiendrais trois : Les deux disparitions du Baron Sadik, La machine de la colonie pénitentiaire, et le Passe-muraille. J’en dis deux mots. Pour Les aventures du Baron Sadik (de Gabor Rassov, mise en scène de Pierre Pradinas), j’ai conçu une double disparition des personnages sur scène. Or ce qui est intéressant notamment, c’est l’articulation de ces deux disparitions « à vue ». La première appartient davantage à une logique « optique », puisqu’on voit le corps du personnage s’effacer progressivement jusqu’à s’évanouir dans le néant, alors que la seconde relève plutôt d’un procédé « physique » : le corps d’effondre sur lui-même, s’émiette et se dissout, et il ne reste sur le plateau qu’un petit tas de vêtements. Ces deux disparitions s’enchaînent sur le plan dramatique mais aussi sur le plan technique, puisque c’est la scénographie de la première qui produit les conditions techniques de la seconde. Et pour parvenir à ce résultat, il m’a fallu la collaboration de l’auteur et du metteur en scène, qui ont aussitôt accepté une très légère modification du texte, avec le jeu de scène que cela entrainait. Pour moi, c’est l’un des meilleurs exemples d’une collaboration réussie entre « corps de métiers » : une illusion parfaite qui s’insère avec une grande fluidité dans la dramaturgie et la scénographie. Ensuite, je suis assez fier de l’instrument de torture de « La colonie pénitentiaire », dans Les châtiments, un opéra inspiré de nouvelles de Kafka, mis en scène par David Lescot et créé à l’opéra de Dijon. La machine existait déjà, j’en retrace l’histoire dans le livre, et je devais donc « greffer » l’illusion sur une machine existante (c’est une photo de cette machine, dessinée par Alwyne De Dardel, qui fait la couverture du livre). Là aussi, il y a eu une collaboration très heureuse entre tous les participants au projet (les techniciens, le metteur en scène, le chanteur d’opéra qui subissait la torture infligée par la machine). Quant au Passe-muraille, il s’agissait d’une comédie musicale tirée du roman de Marcel Aymé, dans une adaptation de Didier Van Cauwelaert et une mise en scène d’Alain Sachs. L’un des intérêts de cette réalisation est la manière dont nous avons résolu un problème de taille : comment donner à voir quatorze passages du personnage à travers un mur sans que la continuité dramatique de la pièce soit affectée par le type d’attente et d’attention qu’exige un effet de type « illusionniste » ? Je laisse le lecteur découvrir la solution dans le livre. Mais pour lui mettre l’eau à la bouche, je dirais qu’il s’agissait d’articuler l’alternance de la procédure la plus simple, la plus sobre, la moins « coûteuse » sur le plan dramatique et scénographique, avec une solution qui au contraire était hautement technique, dont la conception et les réglages devaient être millimétriques. Je crois que cet exemple à lui seul donnera à comprendre un concentré de mon travail : comment allier les exigences de l’illusionnisme avec des demandes théâtrales, musicales ou scénographiques qui semblent pourtant les contredire ?
Alain Poussard – Abdul a choisi de signaler trois exemples qui sont techniquement très complexes et très impressionnants dans leur conception. Mais pour faire contrepoint à ces exemples « massifs », je voudrais signaler au contraire certaines illusions qui semblent faites avec presque rien. Je pense à l’effet conçu pour Le quatuor : lors du salut final, les instruments du quatuor se mettent à proliférer, ils deviennent les souches d’où émergent des branches et des feuilles, ils redeviennent bois et renouent avec la forêt primitive dont ils proviennent. C’est un très bel effet, et d’une grande sobriété. Ou d’autres illusions qui séduisent par la légèreté de la procédure, comme l’effet qu’Abdul nomme « la contre-lévitation », lorsqu’à la fin d’un concert de l’A.R.F.I., le contrebassiste se met soudain à léviter. Dans ce cas, la simplicité de la méthode est saisissante. Et le contraste est évident entre le caractère « économique » de cette lévitation et la complexité technique de celle du « pianiste aérien » qu’Abdul a réalisée pour Denis Levaillant, dans Piano-Circus.
Pour finir sur des questions plus personnelles, quels magiciens vous ont le plus inspirés dans votre travail ?
Alafrez – Je donnerais seulement trois noms : Philippe, pour ses chapeaux pointus, René Lavand, pour sa chorégraphie, et Fu Manchu, pour ses sketches magiques.
Alain Poussard – Comme Abdul m’a devancé en donnant le nom de René Lavand, je dirais Ascanio, qui a su identifier, analyser et même « baptiser » certains des principes récurrents de notre discipline. Et puis j’adore aussi John Brother Hamman pour le velouté de son toucher, ainsi que Fred Kaps pour l’élégance de sa posture et de sa présence.
Et en dehors de la magie, quelles œuvres ou quels auteurs vous ont inspirés ?
Alafrez – L’Oulipo, Borges, Raymond Roussel, Alphonse Allais et Rabelais.
Alain Poussard – Décidément, nous avons des convergences ! Abdul m’ayant doublé avec l’Oulipo, je glisserais quand même Raymond Queneau. Borges étant déjà « pris », je dirais Cortázar. Et pour renchérir sur Alphonse Allais, je citerais l’analyse que fait Umberto Eco, dans Lector in fabula, d’une petite scénette de Allais, « Un drame bien parisien », qui est à ma connaissance le plus beau tour de magie littéraire.
– Interview réalisée en octobre 2022.
Table des matières du livre
– Préface (Georges Proust) – Avant-propos (Alafrez) – Introduction (Alain Poussard) – Avertissement
– Trouver sa place dans les théâtres (Entretien). Effets Physiques – Les disparitions du Baron Sadik – Guillotine – Trick – Waters – Botanique
– Le « discours de la preuve » (Entretien). Lévitations – Le pianiste aérien – La contre lévitation (bizarreries musicales) – Le squelette du Maitre – La machine de la colonie pénitentiaire
– Le dispositif optique (Entretien). Les miroirs opaques – Optique – Les miroirs – La consultation chaldéenne – La géométrie des miroirs – Les tables à miroirs – Lumière et miroirs – Le mystère de la boîte vide – Déambulations (Concertina, Le fruit, Le triporteur)
– Simplifier, oui, mais pas trop… (Entretien). Les miroirs sans tain – Les Miroirs sans tain – L’horloge du Maitre – Le métronome – Les fantômes de Richard III – La Mécanique Céleste – Le Passe-Muraille
– Vers une magie transparente (Entretien). Hors scène – L’essayage – Géométrie de l’infini. Les deux dimensions – Le jeu d’échecs – Le banquet – Variation de l’orientation – Le Passage – Les oubliettes – Géométrie de l’infini. La troisième dimension – La forêt
– Circonstances. Une entrée en fanfare (Entretien) – « De la musique avant toute chose » (Entretien) – Affinités magiques (Entretien) – En solo (Entretien) – À deux, à trois, ou plus… (Entretien)
– Postface de Thierry Dufrêne
– Biographie
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