Pinocchio d’après Collodi. Texte et mis en scène de Joël Pommerat.
Cinq ans après sa création ici, (voir la critique ci-dessous), nous n’avons pas changé d’avis et cet impeccable spectacle parait tout neuf, dans une mise en scène d’une qualité exceptionnelle. L’adaptation de ce conte, d’une noirceur absolue quand elle est revisitée par Joël Pommerat, est d’une grande intelligence dramaturgique et d’une précision absolue quant à la direction d’acteurs, tous excellents (Myriam Assouline, Sylvain Caillat, Pierre-Yves Chapalain, Daniel Dubois, Maya Vignando). Et la scénographie, capitale chez Joël Pommerat, à la fois simple et d’une véritable imagination poétique, est grâce à un univers lumineux et sonore comme on en voit rarement, en parfaite unité avec sa mise en scène.
On retrouve sur le grand plateau des Ateliers Berthier, avec le même plaisir, les personnages de cette adaptation destinée en priorité aux enfants : le narrateur, pour qui rien n’est plus important que la vérité, la fée en grande robe blanche surdimensionnée et, bien sûr, le petit bonhomme en proie à ses mensonges, devenu agressif et insolent, qui ne veut pas avouer que son père est pauvre, son père qui s’est privé d’un manteau pour lui acheter un livre de classe… L’expérience de Pinocchio que peut comprendre tout enfant à qui ce spectacle est d’abord destiné, pose une vraie question : Peut-on quitter l’enfance, tout en restant libre ?
Seul absent de cette reprise, Philippe Lehembre, qui jouait le père de Pinocchio, a déserté cette vallée de larmes mais on se souviendra longtemps de ce comédien aux merveilleux yeux bleus, aussi discret que formidablement présent.
Bref, la reprise de ce Pinocchio est un vrai bonheur théâtral, même si parfois le texte comporte quelques facilités, devant lequel tout adulte retrouve des yeux d’enfant.
Représentation en Janvier 2009
Au Nouveau Théâtre de Montreuil, une matinée scolaire parmi d’autres, dans ce misérable bunker rouge foncé, fait d’angles et de recoins, (le bar pourrait être celui de Dracula !), sorti de l’imagination de quelqu’un qui a dû se prendre pour Frank Gehry ! Au moins, la salle a une bonne acoustique et de belles proportions…
Mais enfin, passons, pour se réconforter il y a cette incroyable série d’enfants entrant deux par deux, se tenant sagement par la main pour aller assister à un spectacle : cela fait chaud au cœur.
Une salle bourrée mais l’on sait que, depuis un bon moment, mettre le nom de Joël Pommerat équivaut à un gage de très grande qualité. Et l’on n’est effectivement pas déçu par les aventures du petit pantin de bois; mais là, attention, nous, c’est à dire la vingtaine d’adultes seuls, et les enfants avec leurs instituteurs, assistons à un évènement exceptionnel, pas à une de ces choses approximatives comme celles dont nous avons déjà parlé à propos de ce pauvre Pinocchio cette saison…
Et c’est sans doute une grande chance pour tous ces enfants d’avoir pu assister à des images d’une telle beauté, là devant eux, et non par le truchement d’un petit écran ; ils s’en souviendront -même si on peut douter que cette création réponde « aux attentes du public » pour reprendre la lamentable phrase pondue par une des fifres de Nicolas Sarkozy. Et il faut être d’une belle naïveté pour reprendre à son compte une telle bêtise !
En tout cas, ces enfants pourront remercier Gilberte Tsaï, la directrice du Théâtre de Montreuil, d’avoir invité Joël Pommerat, et leur école de leur avoir permis de voir cela. Et nous savons ce dont nous parlons…. Combien de spectacles pour enfants ont à la fois une interprétation de cette hauteur, un univers sonore d’une telle qualité qui forme en fait le fil rouge du spectacle, imaginé par Yann Priest, François et Grégoire Leymarie, une scénographie (Eric Soyer) d’une telle intelligence, des lumières qui créent le lieu en faisant écho au texte et une mise en scène et une direction d’acteurs irréprochables : Pierre-Yves Chapalain, Jean-Pierre Costanzello, Daniel Dubois ou Philippe Lehembre, Florence Perrin et Maya Vignando.
Joël Pommerat a repris quelques-uns des épisodes des aventures de Pinocchio, la naissance du petit pantin issu du travail d’un pauvre menuisier, son refus d’aller à l’école, ses retrouvailles avec son père dans le ventre de la baleine, la rencontre avec la belle fée bleue, etc…) Mais, ce que l’on aime dans son travail, c’est la profonde honnêteté avec laquelle il traite ce texte et le respect qu’il a pour la narration, alors que la déconstruction est tellement à la mode chez ses chers collègues ; « La narration, dit-il, est pour moi, est une façon d’inscrire le temps. Une histoire me permet d’inscrire un commencement, une succession d’événements qui marquent le temps jusqu’à un avenir ».
Et comme il l’avait déjà fait pour Le Chaperon rouge, toute sa mise en scène témoigne d’un souci de se relier au texte de sans faire de compromis mais aussi de l’ancrer dans le monde contemporain, sans fioritures ni chichis, comme le faisait Bob Wilson quand il n’était pas encore en phase d’auto-académisme, avec une volonté intransigeante de parvenir à la beauté, que ce soit dans sa mise en scène ou dans sa directions d’acteurs. Exactement, comme dans ses autres spectacles récents.
Mais attention, les aventures de ce petit être en proie à la pauvreté et à la dureté du monde des adultes, où le noir est quand même la couleur dominante, n’ont sans doute pas à être vues par des spectateurs de moins six ou sept ans.
A voir ? Oui, sans réserve, et si vous avez des enfants ou petits-enfants, allez-y ensemble si vous le pouvez : c’est bien qu’il y ait dans la salle adultes et enfants.
– Source : Le Théâtre du Blog.
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