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MINUIT ET DEMI / Yoann BOURGEOIS

Théâtre de la Ville à l’Espace Cardin (Paris, 10 juin 2017).

Philippe DU VIGNAL

Yoann Bourgeois dirige avec Rachid Ouramdane le CCN2-Centre chorégraphique national de Grenoble depuis 2016. Nous avions vu il y a deux ans au Théâtre de la Ville, son très remarquable Celui qui tombe.

Il revient avec un programme de trois courtes pièces, MINUIT ET DEMI, Trois tentatives d’approches et un point de suspension, conçu pour l’Espace Cardin… Répartis en deux groupes, quelque quatre cent spectateurs vont d’abord voir alternativement: dans le jardin: 1-1 La Balance de Lévité et 1+1 Nous tube-Autoportrait, et dans le Studio : Dialogue. Puis tous réunis dans la grande salle: 1/1/1/1 Fugue-Trampoline-Variation numéro 4.

Dans La Balance de Lévité, Yoann Bourgeois reprend le principe du plateau de bois, monté sur un axe, tournant et oscillant. Où Estelle Clément-Bealem et Rafaël Pefour réussissent à échapper aux lois de la gravité, avec une grande prise de risque.

Ce qui supprime encore plus la distance avec le public installé tout autour. « Dans ces moments de proximité, dit Yoann Bourgeois, l’efficacité émotionnelle est beaucoup plus forte, mais ce serait une facilité d’en rester là. J’aime aussi le fait que le spectateur soit à la limite de décrocher et qu’il entre dans une rêverie, même si je ne souhaite pas couper le lien pour autant. (…) Le point de suspension est à la croisée de la physique et du temps. (…) J’habite en montagne et regarde l’architecture invraisemblable que dessinent les arbres pour trouver la lumière. Je me demande comment je fais pour tenir, sachant que pour rendre expressive, la légèreté, il faut montrer la pesanteur ».

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Ici, une table est déjà posée sur le plateau mais ils vont chacun (et cela relève du miracle gestuel !) y placer une chaise, puis se hisser dessus sur le plateau, y marcher, le faire tourner grâce uniquement à leurs mouvements, rapprocher les chaises de la table petit à petit et avec une infinie prudence. A la fin, ils s’y assoient, accoudés à la table. Il y a de la métaphysique dans l’air. Brillamment traduit ici, avec on le devine, un long et remarquable travail en amont et sur la scène par les deux complices en équilibre permanent sur le plateau où chacun des plus petits déplacements, où chaque geste avec ou sans la chaise, devant se faire en parfaite harmonie avec l’autre, sous peine de catastrophe. Il leur faut d’abord rester en équilibre, marcher aussi doucement que possible, et contrôler le poids de son corps pour ne jamais nuire à l’autre. Dans un contrôle mental absolu pour assurer une parfaite coordination entre la station debout, les mouvements, et la marche du centre vers l’extérieur et inversement. Chapeau !

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« Comment, disait Yoann Bourgeois, à propos de Celui qui tombe, peut-on continuer à tenir debout ? C’est une problématique à la fois physique et existentielle. Elle est d’autant plus vive et sensible que l’on sait très bien qu’on ne tiendra pas toujours. (…). Le langage que nous parlons avec mes interprètes n’est pas celui des mots, mais celui du rapport à la gravité, soit le rapport à la mort.  » Soit les degrés divers de la marche, caractéristique essentielle – on l’oublie trop souvent – d’un être humain en bonne santé, quand il y a coordination totale entre corps et cerveau. Nous en avons fait la douloureuse expérience avec une très proche atteinte de déficience neuronale : d’abord marche normale, puis presque normale, voire encore parfois un peu gracieuse, marche plus lente et de moins en moins sûre sans aide, puis à très petits pas et mal coordonnée avec chutes, puis épuisement et impossibilité de se tenir debout puis assise : soit le commencement de la fin bien connue des soignants, survenue quelques semaines après !

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Dans le jardin de l’Espace Cardin, autre variation sur le thème de l’attraction terrestre, avec La Balance de Lévité quand Maria Fonte joue les filles de l’air, le corps sanglé au bout d’une sorte de grande barre avec contrepoids. Sur un axe capable de rotations à la fois verticales ou horizontales qu’elle effectue elle-même, jusqu’à parfois frôler le gravier du jardin. Soit là aussi en parfait équilibre (du latin : aequilibrium, de aequus: égal, et libra : balance, poids; donc avec un poids équivalent).

Quand cette belle jeune femme se meut avec douceur dans le ciel de juin, à l’heure bleue, on pense bien sûr, à Gaston Bachelard et à sa fameuse Poétique de l’espace.  » Nous voulons examiner des images bien simples, les images de l’espace heureux, disait-il. L’espace saisi par l’imagination ne peut rester l’espace indifférent livré à la mesure et à la réflexion du géomètre. Il est vécu. Et il est vécu, non pas dans sa positivité, mais avec toutes les partialités de l’imagination…  » Nous avons été moins convaincus par les phrases en voix off tirées d’un texte d’Edouard Levé.

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Yoann Bourgeois a aussi imaginé juste à côté, un cylindre haut de quelques mètres, plein d’eau. C’est une belle idée que cette concordance entre air et eau qui aurait bien plu à Gaston Bachelard. Tel un ludion, en chemise blanche et pantalon noir, il évolue verticalement tête en haut, ou inversement. Avec là aussi une parfaite maîtrise de son corps, reprenant à chaque remontée assez d’air pour redescendre à l’aise sous l’eau. Enfermé mais aussi libre… un peu comme son très proche voisin habitant l’Elysée.

Et puis, dernier volet de ce triptyque en cinquante minutes, qui est comme la signature de ce diabolique inventeur, La Fugue/Trampoline-variation numéro 4. Cela se passe sur la scène nue de l’Espace Cardin. Imaginez dans une demi-pénombre, une sorte de gros cylindre en bois sur un plateau d’environ un étage et demi qui, dans un léger grondement, ne cesse de tourner; avec, à sa périphérie, deux escaliers en sens inverse et sans rampe. A l’intérieur de la paroi du cylindre, quelques portes battantes invisibles… Un homme barbu, pieds nus, chemise blanche et pantalon noir, apparaît puis monte les marches, les redescend, s’enfuit par une porte pour réapparaître comme par miracle un peu plus loin. Le cylindre tourne toujours. Leurre, réalité ? On ne sait plus… En fait, ses semblables au même costume, vont être bientôt deux puis trois, et enfin quatre. Ils se jettent sur un trampoline situé dans le vide central du cylindre pour rebondir debout et  » très naturellement  » sur une des marches de l’escalier ! A un ou plusieurs, selon les moments, dans une déclinaison silencieuse, identique mais pas tout à fait et à chaque fois, impressionnante, comme s’ils échappaient aux lois de la gravité.

L’émotion devant de tant d’intelligence et de beauté est toujours là. On peut convoquer nombre de références philosophiques devant ce cylindre, vieux symbole de l’humanité. Et relire Platon: c’est une forme parfaite fermée sur elle-même mais paradoxale, puisqu’elle comporte un vide ici augmenté d’un trampoline qui peut propulser un homme vers l’ailleurs; et la liberté… Perfection de mouvements émanant à la fois du visible et du non-visible, vide et plein, fini et infini, attraction et répulsion, air et eau, similitude et différence, équilibre et déséquilibre nécessaires à l’harmonie d’un mouvement… Il y a ici dans ces trois numéros complémentaires et à la belle unité, silencieux à part un, de quoi méditer… Le public ne s’y est pas trompé et a très longuement salué debout Yoann Bourgeois, Jonathan Guichard, Maxime Reydel, Lucas Struna, rejoints par leurs camarades des autres numéros.

– Source : Le Théâtre du Blog.

Crédits photos : Géraldine Aresteanu. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.

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Classé sous :CIRQUE, DANSE

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