Avec : Bonaventure, Branlotin, Mads, Nigloo et Titoune. Création 2012.
Nous pénétrons à l’intérieur d’un petit chapiteau et quelle n’est pas notre surprise en découvrant une sorte d’amphithéâtre avec au centre une piste de cirque miniature semblable à une fosse, surmontée de gradins à 360°. Vont se succéder différents tableaux joués par cinq compères qui vont jouer différents rôles dans une ambiance tragi-comique.
Introduction
Dans cette arène moderne, entrent en piste deux clowns blancs qui jouent à la roulette russe et tirent au sol. C’est ensuite au tour du « monsieur Loyal » de la soirée de faire son entrée sous les traits d’un clown blanc menaçant.
Des petites portes sont ouvertes sur la piste contenant des caisses sur roulettes avec à l’intérieur des « personnages vivants » semblables à des marionnettes grimées avec du maquillage. Les trois personnages tournent en rond et réalisent des équilibres, puis l’un d’entre eux reste suspendu à un luminaire et entame un monologue simpliste.
L’homme toréador éructe en direction des spectateurs : « c’est privé ici ! » tandis que les deux autres personnages distribuent des fleurs autour de la scène.
Fouets
Une femme grimée en homme entre munie de fouets qu’elle fait claquer à tout va sur la scène exigüe et dégomme, une à une, les fleurs disposées en cercle sous le nez des spectateurs du premier rang ; sensation de frayeur garantie !
La femme siffle et on entend un lion rugir. Entre en scène un homme déguisé avec un costume de papier. De longs bras et un long nez qui vont être la cible des fouets. La silhouette en papier journal finit démembrée. La femme finit par s’emmêler avec ses fouets et sort de piste.
Balai
L’homme déguisé revient sur scène avec un balai pour ramasser ses morceaux et se retrouve bloqué avec l’objet qui se substitue à ses bras au rythme de la contrebasse jouée par le clown blanc. La chorégraphie empruntée fait apparaître et disparaître les bras du personnage et donne lieu à des postures impossibles et drôles.
Main à main
Exercice de main à main et d’équilibres entre l’homme toréador et la frêle femme maquillée en clown blanc. Les deux artistes jouent longuement avec les rebords de la piste et enchainent des figures avec une impassible tranquillité. Le jeu des masques et des corps, au rythme de la contrebasse, sont hypnotiques.
Echelles
Un clown traverse la piste avec une échelle et son collègue fait de même en descendant dans la fosse, puis en repartant en coulisse. Vont se succéder un « va et vient » d’échelles, tandis que le monsieur Loyal met en place une structure mystérieuse au centre de la piste.
Pantin
Une fois la structure en place, une espèce de barre parallèle montée sur vérin, le clown blanc introduit l’athlète qui va réaliser des figures de voltige sous les traits d’un mannequin grotesque et inquiétant mi-singe, mi-homme ; tiré d’un tiroir sur roulette. Celui-ci est attaché à la barre et le clown-manipulateur va actionner un grand bras en forme de croix pour faire tourner le mannequin autour de la barre, accompagné par une musique dissonante.
Le personnage virevolte dans tous les sens tel un pantin désarticulé qui réalise des figures impossibles et spectaculaire. Il tourne, tourne, tourne sans fin… Au fil de ses exploits, la marionnette semble prendre vie et se transformé en être humain, tellement sa gestuelle est mimétique et éloquente. Le public est pris d’une terrible sensation d’angoisse. La performance vire à la démonstration d’une bête de foire à la manière d’un freak show ; entre admiration et compassion. Le plus beau tableau du spectacle, celui qui procure de vraies émotions contradictoire et qui laisse au spectateur une impression d’ambigüité merveilleuse.
Bang-bang
Deux femmes chapeautées installent un praticable au milieu de la piste et invite un homme coiffé d’un chapeau au maquillage blanc à prendre place. Elles lui donnent un pistolet et ce dernier commence une fabuleuse séquence de jonglerie avec l’objet accompagné de mime.
Les deux femmes reviennent et lui tendent un deuxième pistolet. L’homme jongle alors avec les deux en même temps et réalise des figures en symétrie parfaite, mais aussi des équilibres impossibles (grâce à la conception spéciale de ses instruments réalisés en métal et en bois).
Les pistolets prennent l’apparence de cornes de taureau, d’une mitraillette, d’un arc, etc. L’artiste utilise toutes les capacités possibles de son objet et le résultat est fabuleux.
Les clowns
Deux Auguste arrivent dans la salle, l’un faisant face à l’autre, pour un duel verbal. Le premier vient de Cologne pour voir le numéro du « petit chien » et l’autre commence à l’insulter en le traitant de tous les noms. Arrivés dans l’arène, ils s’étripent et s’éclatent la tête sur le rebord de la piste par un cocasse jeu de misdirection (« c’est incroyable, je n’ai jamais vu ça ! C’est tout petit, c’est là…venez voir. »).
Se tordant le cou à tout va, les deux clowns disparaissent dans les tiroirs sur roulettes, dans les coulisses.
Fauve
La femme, en clown blanc, annonce les fauves du spectacle. Arrive sur scène un tout petit chien dressé par une femme. Celui-ci danse, saute, fait des vrilles, passe à travers un cerceau, se faufile entre les jambes de sa maîtresse, fait le mort et réalise un tour complet de piste sur ses deux pattes avant ! Un numéro charmant et tendre.
Cadre russe
L’homme au pistolet arrive sur scène, tire en l’air et un trapèze se décroche du haut du chapiteau. L’homme toréador se met en place sur la structure et s’harnache comme un porteur. La femme frêle apparaît d’un coup sur le trapèze dans les airs et l’homme la rattrape au vol. Ils réalisent ensuite une multitude de figures aériennes d’une grande précision technique.
La lumière descend alors au raz de la fosse d’où apparaissent deux nains (deux circassiens déguisés à genoux) ; deux rois qui se battent à l’épée et s’entre tuent. La lumière remonte et revient aux équilibristes puis la lumière s’éteint.
Conclusion
On pourrait reprocher à Matamore de trainer la jambe lors de sa scène d’exposition et de proposer des « numéros » inégaux ; n’empêche que le concept de la « piste-fosse » est d’une remarquable justesse avec ce qui s’y déroule à l’intérieur et l’unité reprend son droit.
En mélangeant disciplines traditionnelles, cirque moderne et pantomime, la troupe a trouvé une voie royale pour explorer les émotions et les désillusions liées au monde du cirque entre boniments, parades, virtuosité et poésie. Si la vie est un jeu de rôle où l’on porte tous des masques, Matamore en est le reflet dans une sorte de catharsis. Porté par des artistes singuliers, ce spectacle attachant emporte le public dans les recoins sombres et métaphysiques du cirque et de la vie.
A lire :
– Campana du Cirque Trottola.
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