Mise en scène, décors et costumes : Macha Makeïeff.
Cela se passe dans la salle d’un vieux théâtre, le Nickelodéon, une sorte de cabaret américain avec une petite scène étroite avec un rideau minable et des pilastres doriques en mauvais état. C’est un univers glauque que l’on pourrait situer dans les années 1920, quand des artistes réincarnent les apaches, les voyous et souteneurs prêts à tirer leur couteau qui régnaient sur le Paris de Montmartre et des fortifications. Règne ici un joyeux foutoir : palmier en pot qui n’en peut plus, vieux piano, caisses, malles, et rangées de fauteuils aux sièges en bois comme dans les cinémas d’autrefois. C’est sur le plan plastique parfaitement réussi et Macha Makeïeff n’a rien perdu de son savoir-faire.
Les artistes, dirigés par un gros bonhomme habillé d’un smoking blanc, sont tous un peu pathétiques. Ils se croient en haut de l’affiche mais ont un peu de mal à réussir leur numéro. Il y a ainsi des danses entre amoureux, un combat de boxe, plusieurs bagarres entre mauvais garçons d’opérette, un numéro d’illusionniste, avec des chaises qui s’envolent au ciel par miracle ou, plus classique mais toujours apprécié par le public, celui du foulard qui se change en bâton ou en bouteille, le tout sur musique enregistrée, ou en direct, avec l’excellent accordéoniste Philippe Borecek (qui a abandonné les Toccatas de Bach pour des airs de bastringue ; métamorphosé ici en russe barbu de cabaret avec de grandes bottes rouges…)
Lévitation de chaises.
Les numéros s’enchaînent, mêlés à des séquences de film muet en noir et blanc très réussies, habilement filmées par Simon Wallon qui avait déjà travaillé avec Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps.
La réalisation de Macha Makeïeff est très soignée, les huit acteurs, dont une seule femme, sont parfaits ; en particulier Braulio Bandeira qui joue les travestis noirs avec une superbe élégance. Le spectacle, créé à Marseille en janvier 2013, est bien rodé, à la limite de la virtuosité. Malgré cela, on s’ennuie un peu.
Ventriloque.
« Entrées en scène frénétiques, rituels de l’avant spectacle, solitudes des longues tournées, pantomimes infatigables. Je me suis rappelée, pour dire la scène comme déclassement dangereux et sublime, quelques grandes figures féminines : Mireille Havey, Claude Cahun ou Marguerite Moreno qui m’accompagnent depuis longtemps », dit Macha Makeïeff. On veut bien mais la traduction en reste un peu conventionnelle et souvent longuette.
Sans doute aussi, nous a-t-on trop souvent fait le coup du théâtre dans le théâtre, thème de nombreuses comédies musicales et il manque au spectacle une folie et un délire qui étaient à la base des spectacles des Deschiens auxquels Macha Makeïeff aura beaucoup apporté. Folie et délire que l’on retrouve heureusement vers la fin, quand tout commence à se déglinguer. Tout d’un coup, le spectacle prend une autre dimension. Quand on voit, par exemple, Henri VIII et Anne Boleyn à l’écran et, en même temps sur scène, parfaitement ridicules ; ou quand les comédiens tous en marins de pacotille vont vivre la fin du Titanic, en se réfugiant dans une cabine, agglomérés les uns aux autres. Il y a, comme cela, de belles et fortes idées de théâtre que l’on aurait aimé trouver avant.
Un spectacle très réussi sur le plan scénographique, bien maîtrisé mais inégal, dont les effets se perdent un peu dans la grande salle de Bobigny, et que l’on voit avec plaisir aux meilleurs moments mais qui nous a laissé, pour le reste, un peu sur notre faim…
– Source : Le Théâtre du Blog.
Crédit photos : Macha Makeïeff. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.