Morceaux de vie en transit. Par le collectif Le Printemps du machiniste. Texte : Guillaume Poix. Mise en scène : Louis Sergejev.
Dix ans plus tard, l’équipe du Printemps du machiniste retrouve les personnages de la saison 1. A l’entrée, test olfactif obligatoire pour savoir si le parfum présenté sur une languette de papier est ressenti comme féminin ou masculin et selon la couleur du ticket, aux allures de test Covid camouflé… Mais non, on est seulement alors dirigé vers une entrée ou une autre selon la couleur du ticket. Arrivée directement sur le plateau, c’est à dire dans ces allées interminables d’aéroport international pour accéder à un guichet, avant d’être autorisé à rejoindre la salle.
En fond de scène, trois amis incarnés par des marionnettes à fil à taille humaine, plus vraies et plus justes que nature, de vraies et belles sculptures à la fois réalistes et pas, remarquablement interprétées et manipulées à vue avec contrepoids blancs, par Dorine Dussautoir et Noé Mercier. Il y aura ensuite aussi un escalier d’embarquement sur un praticable à grosses roues caoutchoutées, avec quatre jeunes femmes et quatre jeunes hommes assis sur les marches. Il est question des rapports et des échanges difficiles entre les sexes. « La marionnette est une parole qui agit ». Jamais la phrase de Paul Claudel n’aura aussi été justifiée. Cette curieuse et énigmatique petite bande est interprétée avec une grande précision et une étonnante vérité par de petites marionnettes aux pieds magnétisés qui leur permettent de se tenir en équilibre sur cette échelle horizontale en fer. Toujours aussi bien manipulés par Dorine Dussautoir et Noé Mercier.


Regards en biais, rapprochements ou éloignements entre eux, ils sont là face public nous regardant fixement. Vraiment étonnant. « Les vrais grands sont moins jolis que des petits bonhommes comme ceux-là dans cette gare, nous avait dit autrefois un petit garçon de cinq ans. » Effectivement ici, avec ces marionnettes à différentes échelles et tout un jeu sur la distance, Louis Sergejev aura réussi son coup. Nous sommes dans un autre monde à la fois vraiment poétique… et double du nôtre ! Un bonheur visuel qui rappelle souvent à la fois les poupées du grand Bread and Puppet de Peter Schuman et celles des merveilleux théâtre bunraku japonais que nous découvrions avec admiration au Festival d’automne dans les années soixante-dix.

Au chapitre des réserves : un texte inégal, beaucoup plus solide sur la fin, une mise en place parfois longuette quand il s’agit de changer l’environnement scénique. Et on aurait aussi aimé que la manipulation se fasse à visage masqué (mais ce n’est pas très à la mode !) Ce qui aurait permis de mieux mettre en valeur ces huit petites marionnettes. Mais encore une fois, ce spectacle, qui a sans doute besoin d’être encore rodé, a un climat poétique assez rare. Par les temps qui courent, cela fait le plus grand bien.
Compte-rendu de la présentation professionnelle. Source : Théâtre du Blog.
Crédit photos : Gduss et Le Printemps du machiniste. Tous les documents et archives sont proposés sauf avis contraire des ayants-droit, et dans ce cas seraient retirés.