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LE PAPIER PEINT JAUNE / Katie MITCHELL

Ateliers Berthier de l’Odéon-Théâtre de l’Europe (Paris, le 24 septembre 2013).

Philippe DU VIGNAL

Die Gelbe Tapete (Le Papier peint jaune) d’après Charlotte Perkins Gilman, version anglaise de Lyndsey Truner, traduction en allemand de Gerhild Steinbuch, mise en scène de Katie Mitchell (spectacle en allemand surtitré).

Charlotte Perkins Gilman (1860-1935), sociologue et écrivain américain, a écrit des essais importants comme Women and Economics : A Study of the Economic Relation Between Men and Women as a Factor in Social Evolution. Mais aussi des romans The Crux. Forerunner, Moving the Mountain. Forerunner, et de très nombreuses nouvelles, dont The Yellow Wallpaper dans des journaux et dans sa revue The Forerunner.

Peu lue aux États-Unis et ailleurs pendant longtemps sauf par les féministes, l’œuvre de Perkins Gilman sera de nouveau très en vogue dans les années soixante. Et Le Papier jaune a été édité en français (1976) par les Editions des femmes.
C’est une nouvelle, dont le thème est une dépression post-natale décrite très précisément par l’auteur, qui est transposée sur un plateau mais avec un traitement tout à fait particulier puisqu’il s’agit d’un tournage en direct, dont les images réalistes viennent s’inscrire sur un grand écran. Ce n’est pas un film mais la vision filmée, et revendiquée comme telle, d’une histoire écrite en 1890 et transposée de nos jours sur un plateau de théâtre/cinéma, celle d’un couple berlinois qui s’en va vivre à la campagne dans le Brandebourg.

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L’intrigue a été quelque peu modernisée mais on y retrouve les personnages originaux : d’abord cette femme (remarquablement jouée par Judith Engel) qui vient d’avoir un bébé, visiblement plongée dans un mal-être permanent, sujette à des crises d’hallucination : elle croit voir apparaître une jeune fille au travers des lambeaux de papier peint qui habille sa nouvelle chambre. On sent bien qu’il ne s’agit pas d’une banale dépression mais qu’elle est atteinte d’une sorte de délire de persécution.
Et on va la voir vivre vraiment devant nous dans sa chambre, celle aussi qui parle : elle nous décrit très précisément ce qui lui arrive, les détails de son délire, et surtout sa pensée intérieure. Mais elle ne parlera guère de son bébé. Comme si elle ne voulait pas l’embarquer dans une maternité qu’elle a du mal à assumer. Bref, acquérir une nouvelle identité, celle de mère, lui a procuré un choc sans doute trop brutal.

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Il y a aussi son mari (Tilman Straub), attentif et prévenant mais qui supporte de moins en moins ses hallucinations et a trouvé une autre maison pour pouvoir travailler paisiblement, et la jeune nounou (Iris Becher) du bébé qui essaye de bien faire en protégeant Anna qui, épuisée, finira par se suicider, comme Charlotte Perkins Gilman…

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Sur le plateau, deux chambres identiques, avec un grand lit où on verra surtout Anna et parfois son mari. La deuxième chambre sert aux bruitages réalisés de façon exemplaire et aux gros plans du mur au papier peint jaune que l’on retrouvera à la fin complètement lacéré. Entre ces deux espaces de jeu, il y a une petite cabine insonorisée, où Ursina Lardi, avec l’aide d’un petit écran, dit le texte au micro pendant que les images filmées défilent sur le grand écran… L’actrice enfermée dans un m2 est absolument incomparable dans la façon qu’elle a de donner vie au texte. Vraiment du grand art.

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Sans doute, nous dira-t-on, n’est-ce pas la première fois que l’on nous retransmet certaines scènes d’un spectacle via des caméras sur un écran et, dans le genre, on aura tout vu, y compris ce stéréotype du théâtre contemporain qui consiste à filmer les acteurs sortant du champ visuel et regagnant leurs loges par les couloirs !
Mais ici, rien de tout cela. Il y a, au contraire, rien de racoleur mais une grande économie d’images dans les belles lumières un peu mélancoliques de Jack Knowles. Katie Mitchell va à l’essentiel et s’attache à une expression du visage, à la position d’un corps sur le lit ou un détail de l’architecture de l’appartement.

Ce qui frappe dans ce travail scénique, c’est sa grande virtuosité. Katie Mitchell a visiblement du plaisir à jouer avec la caméra comme outil de distanciation et n’a pas peur d’incruster des séquences déjà tournées comme celles où on voit le bébé dans les bras de son père. C’est servi par une équipe de cadreurs très doués mais qui n’arrivent pas toujours à se faire oublier, et les câbles qui traînent sur le sol par dizaines, font parfois un bruit infernal, ce qui nuit à ce qui reste malgré tout du vrai théâtre.

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Il y avait bien dans le public quelques spectateurs qui faisaient la fine bouche et qui trouvaient que cela n’avait rien à voir avec du théâtre et que la metteuse en scène aurait mieux fait de tourner un film. Mais c’est justement à cette croisée des chemins entre le théâtre avec cette actrice enfermée dans sa cabine mais d’une profondeur de jeu et d’une présence remarquable, et les scènes muettes jouées par les acteurs que se situe l’intelligence d’un tel spectacle.

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Certes, la Schaübuhne de Berlin dispose de moyens importants, mais quelle scénographie de Giles Cadle, quelle précision, quel art du jeu, quelle attention portée au moindre détail ! Katie Mitchell ne triche jamais et sait diriger une équipe, mettre au point un découpage de scènes, conduire un récit théâtral (qui est parfois un peu sec) et nous obliger à avoir une autre vision d’une œuvre, même et si, surtout, elle est d’origine romanesque. Mais le spectacle a aussi pour nous la valeur d’une leçon de théâtre, loin des approximations bavardes et vieillottes, comme on voit trop souvent chez nous et qui donnent une bien mauvaise image du théâtre français.
En voyant le spectacle conçu et réalisé par Katie Mitchell et son équipe, on repense à cette phrase magnifique de Chikamatsu Monzaemon (1653-1724) : « L’art du théâtre se situe dans un espace situé entre une vérité qui n’est pas une vérité, et un mensonge qui n’est pas un mensonge ».

– Source : Le Théâtre du Blog.

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