Portrait
Kentarô Kobayashi est un des plus grands acteurs comiques du Japon. D’abord connu en tant que membre du duo Rahmen’s, il est tout aussi irrésistible dans ses spectacles en solo. Cet artiste protéiforme interprète des sketches désopilants ou poétiques où il mêle théâtre, stand up, mime, film d’animation, musique et magie. Extrêmement populaire auprès des jeunes Japonais, Kobayashi a l’habitude de jouer à guichet fermé. Il a d’ailleurs connu le succès très rapidement. Sa carrière commence en 1996, date à laquelle il crée Rahmen’s avec Jin Katagiri, un ami d’université. A peine trois ans plus tard, ils sont plébiscités lors d’une émission de divertissement de la NHK où des jeunes comédiens rivalisent d’humour devant un jury.
Star de la télévision, Kobayashi se fait connaître hors du Japon via Internet avec sa série de vidéos intitulée The Japanese Tradition.
Il s’y moque avec une certaine ironie de la rigidité des codes et des règles propres à la culture japonaise. Mais à la télévision ou au cinéma, il préfère avant tout la scène où il se confronte directement aux réactions du public. En japonais, « potsunen » qualifie quelqu’un qui est tout seul et semble s’ennuyer. C’est aussi le nom d’une série de sketches dans lesquels Kentaro Kobayashi est seul sur scène et déploie toutes les facettes de son humour. Comme à son habitude, il incarne dans ses one man show une pléiade de personnages plus ou moins loufoques. Mais il alterne ces tranches de vie avec des sketchs plus visuels où il s’amuse avec des films d’animation qui défilent sur écran géant, des éléments de décor surréalistes.
Le spectacle
A la fois auteur, metteur en scène, comédien mais aussi créateur de mangas, il est diplômé en gravure de la Tama University, Kentarô Kobayashi, à 39 ans, a déjà un solide passé artistique au Japon, où il est aussi connu pour la qualité de ses émissions télévisuelles d’information et de variété.
Sur scène, un châssis gris en fond de scène avec une porte, posée sur un plancher en pin et un cube pour s’asseoir. Cela rappelle furieusement l’esthétique du théâtre Nô.
Kobayashi, silhouette mince en pantalon, chemise, gilet, chaussures noirs et lunettes cerclées de noir (toujours la gravure !) entre en scène et va se livrer à une série de sketches pleins d’humour et de poésie, parfois un peu mélancoliques, avec une virtuosité et une précision gestuelle fabuleuses. Graphiste, il utilise les fameux Tangram « Les sept plaques de l’habileté », en raison des 7 plaques utilisées qui remontent à la haute antiquité, avec plusieurs triangles et un carré magnétisés qu’il colle en les combinant sur le mur gris. Mais le comédien joue aussi avec des images vidéo de lui-même en noir et blanc qu’il a filmés le plus souvent au bord de la mer. Comme, par exemple, son double filmé le regarde d’un air ironique ou quand, lui sur scène, voit son double courir dans un carré projeté qui se déplace sur l’écran. Sans doute l’idée n’est pas nouvelle mais on est loin des interactions un peu faciles qu’utilisent Dominique Hervieu et José Montalvo dans leurs ballets. Ici, pas de couleurs mais une rigueur, une poésie et une intelligence exceptionnelles. Là encore, sans la lithographie, le spectacle n’aurait pas été celui-ci !
« J’ai appris à m’exprimer dans le contraintes. Cela m’a aidé à concevoir des scènes en m’imposant certaines contraintes: la pénombre, l’immobilité, etc. En passant au spectacle, je n’ai pas le sentiment d’avoir changé de voie. Le matériel de lithographie est simplement remplacé par mon corps aujourd’hui ». Kentarô Kobayashi
Ce que Kobaiashi ne dit pas, c’est la maîtrise de son corps et l’adéquation parfaites entre le son (bruits de porte, etc.) et la gestualité des séquences sur scène et à l’écran. « Si jusque dans l’emploi du corps qu’exige la démarche, l’on fait travailler le corps avec plus de réserve que l’esprit, le corps devenant substance et l’esprit, effet second, le spectateur éprouvera un sentiment d’intérêt » disait déjà le génial théoricien et auteur de Nô, Zeami dans son Traité, il y a presque six siècles! L’art de Kobayashi en a sûrement pris de la graine et s’est aussi forgé à l’école des arts plastiques plus que dans les cours de théâtre. Comme nombre de créateurs de théâtre contemporain de Bob Wilson à Dominique Pitoiset et bien d’autres metteurs en scène formés dans des écoles d’art.
Il a rappelé aussi qu’il a été impressionné par les haïkus que son grand-père écrivait. Et en effet, on pourrait dire que chacun de ses sketches est une sorte d’haïku scénique mais muet où il utilise des petits trucages simples et quelques effets de magie, qu’il a aussi pratiqué autrefois. Simple mais d’une rigueur et d’une intelligence exceptionnelle dans la maîtrise du temps et de l’espace. En une heure, avec élégance, Kobayashi, avec seulement quelques accessoires, nous emmène dans un petit voyage qui participe à la fois du pictural et du théâtral, où l’on peut découvrir un humour japonais qui a ici le grand mérite d’être universel.
Un spectacle d’une rare qualité, dont on a l’impression de ressortir plus intelligent, loin, très loin des logorrhées de Stanislas Nordey. Et cela fait un bien fou !
– Source : Le Théâtre du Blog.
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