L’artiste suisse – américain Christian Marclay (né en 1955) est un touche-à-tout maniériste qui utilise différentes disciplines pour réagencer des sons et des images existants, dans un savant et virtuose travail de montage. Marclay est le docteur Frankenstein de l’art. Collages, montages, assemblages, mixages, rien n’a de secret pour lui. Récupérateur de génie, il engendre les œuvres les plus improbables avec un art de la réinterprétation digne des plus grands artistes des XVIe et XVIIe siècles.


On pense en premier lieu à ses pochettes de vinyle recomposées en images hybrides, cousues entres elles avec du fil (les séries Imaginary Records et Body Mix), où les disques vinyles brisés en morceaux, puis recollés ensemble pour créer des pièces musicales incroyables (la série Recycled Records). Il faut dire que Marclay est très attaché aux vinyles, lui le roi des platines au début des années 1980 quand il pratiquait le scratching et ses collaborations avec le groupe Sonic Youth.
Installations vidéo
Depuis les années 1980, Marclay travaille principalement à partir de matières préexistantes et trouvées dont il réinvente la nature et la fonction. Il réécrit notamment l’histoire du cinéma en exploitant les films sous l’angle de leurs motifs et de leurs sons. En 2014, Christian Marclay réalise une installation vidéo d’une durée de 24 heures mesurant l’écoulement du temps grâce à des images de montres, de réveils et d’horloges prélevées dans des milliers de longs-métrages et montées de façon chronologique. The Clock est un abyme d’images cycliques et hypnotiques.

Dans Téléphones (1995), l’artiste puise dans le répertoire hollywoodien pour fabriquer une série absurde où une profusion de personnages entretiennent une conversation téléphonique depuis leur univers respectifs. L’appareil est alors un formidable médium qui abolit les distances spéciales, les œuvres filmiques et les époques. Doors (2022) est entièrement composé d’images où les personnages franchissent des portes. Grâce au formidable travail du montage, le spectateur perçoit chaque coupe comme une transformation de l’espace et du corps en préservant la continuité du mouvement. Cette boucle temporelle, où l’on rentre et l’on sort à l’infini, est une sorte de dédale à la Escher, une traversé du miroir à la Orphée, où il n’y a aucune issue sauf celle d’une quatrième dimension.
Christian Marclay emploie également le cinéma comme une matière sonore comme dans l’installation pour quatre écrans vidéo Quartet (2002), où les acteurs qui défilent deviennent les membres d’un chœur hétérogène. Ce montage extrêmement précis de scènes musicales cinématographiques est une pièce chaotique où se télescope le punk et le jazzy. Dans All Together (2018), la pièce est conçue en collaboration avec SnapChat qui a développé un algorithme permettant de classer les vidéos selon leurs caractéristiques sonores. Des images sorties de leur contexte trouvent une nouvelle signification.

Christian Marclay sample également l’imagerie pop comme les bandes dessinées et les mangas dans des œuvres imprimées en onomatopées comme Aaaahhh ! (2006) ou des vidéos immersives graphiques comme Surround Sounds (2014-2015). Constitué de plusieurs couches d’éléments hétérogènes, l’univers de l’artiste est d’une grande densité d’interprétation malgré sa fausse simplicité apparente.
– La rétrospective Christian Marclay s’est déroulée au Centre Georges Pompidou à Paris du 16 novembre 2022 au 27 février 2023, avec deux-cent-vingt œuvres exposées, dont douze vidéos.
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